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Interview Rencontre

Falihery Ramakavelo (Directeur, Vatel Madagascar) – «L’instabilité politique risque d’affecter le tourisme d’affaires»

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Falihery Ramakavelo (Directeur

La conjoncture politique n’est pas propice au développement du tourisme, souligne le directeur de Vatel Madagascar. Celui-ci insiste, par ailleurs, sur la nécessité de professionnaliser les formations liées au métier de l’hôtellerie. 

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BUSINESS MAGAZINE. L’industrie touristique a un réel potentiel. Et il semblerait que celui-ci n’est pas exploité de manière optimale. Qu’en est-il ?

On ne peut pas parler de maladie. Je dirais plutôt que le tourisme survit. Tout le monde est au courant des potentialités de Madagascar sur le plan touristique. Elle possède plus de 3 000 kilomètres de plage, un climat favorable et une riche biodiversité qu’on aura de cesse de rappeler.

Ce sont des atouts extraordinaires exploités à moindre échelle, parfois laissés à l’abandon, et même détruits en faveur d’autres activités telles qu’une agriculture dévastatrice ou tout simplement la prolifération du braconnage. Autant de pratiques allant à l’encontre de la protection de la nature et qui ne favorisent pas la promotion de l’écotourisme, un domaine à fort potentiel en termes de recettes.


BUSINESS MAGAZINE. Qu’estce qui explique cette situation ? 

Comme le disait Napoléon Bonaparte : «La politique d’un État, c’est sa géographie». Une citation souvent utilisée en géopolitique, également valable pour la politique de manière générale.

Notre géographie est favorable au tourisme. Il faut vraiment que nos dirigeants ainsi que les forces vives du pays se rendent compte du fait que le tourisme doit faire l’objet d’une attention particulière, dans la mesure où c’est un secteur qui peut réellement générer de la richesse pour la Grande île. Autrement dit, il faut faire de ce secteur une identité du pays. Une initiative déjà en marche avec le concept «Madagascar treasure island». C’est une idée qu’il faut absolument traduire en acte de façon à placer le tourisme parmi les priorités politiques du pays. 


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BUSINESS MAGAZINE. Dans quelle mesure la conjoncture politique impacte-t-elle sur la performance annuelle du secteur ? 

Étant un secteur plus que sensible, le tourisme dépend du bon vouloir de plusieurs variables à l’instar de la sécurité, tant en matière d’investissement que de la sécurité des individus. Les gens ne viennent pas dépenser leur argent à Madagascar pour se stresser en raison de l’instabilité politique du pays. Certes, si c’est un tourisme d’affaires, les possibilités de risques ne sont pas à écarter.

Cependant, la majorité des étrangers visitent Madagascar pour ses particularités en matière de biodiversité. Tout cela pour dire que si la crise perdure, ce sont des milliers de personnes travaillant dans ce secteur qui en pâtiront directement, sans oublier l’économie du pays. En effet, si la Grande île a une capacité d’accueil de 20 000 chambres et qu’une seule de ces chambres donne du travail à trois personnes en moyenne, l’instabilité politique affectera plus de 60 000 emplois directs dans le secteur touristique. Sans parler des activités connexes et des 20 % d’annulation de réservations déjà enregistrées par les hôteliers depuis le début de cette crise. 


BUSINESS MAGAZINE. La Foire internationale du tourisme pourra-t-elle réellement contribuer à booster les chiffres ?

Parce que c’est un moyen de communication par excellence, la foire permet, en effet, de faire connaître Madagascar, tout en permettant aux différents acteurs de partager, de concrétiser des projets en commun tout en trouvant de nouvelles opportunités de marché à travers le renforcement du réseautage. Pour mettre en exergue l’importance de ce secteur ainsi que de sa promotion, il suffit de prendre exemple sur la France. L’Hexagone accueille 80 millions de touristes par an. Vu que chaque touriste dépense 1 000 euros, cela fait des recettes de 80 milliards d’euros. Cependant, c’est un secteur technique. On ne s’improvise pas chef cuisinier ou directeur d’hôtel. D’où l’importance de la foire qui permet aux opérateurs de partager leurs expériences. 


BUSINESS MAGAZINE. Qu’en est-il du tourisme intérieur ?

À ce niveau, qui n’aimerait pas voyager et parcourir le pays? Malheureusement, ce ne sont pas tous les Malgaches avec notre faible pouvoir d’achat. Cependant, il y a des privilégiés qui peuvent se le permettre. Une tendance qu’il sera bon d’inverser en promouvant les destinations de proximité ou encore le tourisme expérientielle. À l’exemple de la politique de la première République qui avait pour projet d’aménager la localité d’Ampefy afin d’en faire un lieu de villégiature pour les Tananariviens.

Il est dommage que le concept ne soit pas suffisamment exploité. Il y a effectivement quelques hôtels ainsi que des sites et circuits, mais ils n’enregistrent pas l’affluence escomptée. Et c’est presque autant le cas pour certaines zones reculées du pays et qui ont pourtant un fort potentiel touristique.

Bref, il y a encore beaucoup à faire pour améliorer le tourisme intérieur. Prenez juste l’exemple d’Ambatofinandrahana. Une seule maison d’hôte équipée de quatre chambres accueille les voyageurs de passage dans une localité qui a pourtant des atouts en matière de tourisme d’affaires pour les exploitants miniers.


BUSINESS MAGAZINE. Récemment, vous aviez organisé le premier forum de rencontre entre professionnels du secteur. Les résultats sont-ils palpables ?

Notre association des formateurs dans l’hôtellerie et du tourisme, qui regroupe une vingtaine d’établissements, a organisé ce forum dans le but de déterminer les réels besoins des professionnels du tourisme lorsque ces derniers sont en phase de recrutement. L’objectif étant de réorienter les systèmes d’enseignement des centres de formation afin d’arriver à une professionnalisation des ressources désireuses de s’engager dans le secteur. 

Les résultats sont effectivement palpables dans la mesure où cela nous a permis de mettre au jour les offres de formation pour s’assurer qu’elles correspondent à l’attente des opérateurs internationaux dès lors qu’ils recherchent des ressources malgaches pour compléter leurs équipes dans la Grande île. Un procédé que nous perpétuons à travers la création prochaine d’un centre Vatel à Morondava ou encore la mise en place d’une formation MBA en écotourisme d’ici à l’année prochaine. 

Bref, on manque autant de personnel qualifié que d’infrastructures adéquates pour réellement assurer le développement du secteur. Cela peut être résolu grâce à une politique de décentralisation de façon à donner une indépendance à chaque région eu égard à la gestion de sa stratégie touristique. 


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BUSINESS MAGAZINE. Que recommandez-vous pour accompagner ces efforts de développement ?

Aucune école, autre que le public, n’est subventionnée par l’État. Les frais de formation ne sont pas accordées pour se professionnaliser dans ce secteur en constante demande en termes d’emploi. Il serait judicieux de revoir la politique en ce sens pour encourager les jeunes à s’y engager. C’est d’ailleurs l’une des principales raisons de l’organisation du forum de l’année dernière qui visait à promouvoir les métiers touristiques. En effet, les jeunes d’aujourd’hui se ruent vers des métiers, dits plus lucratifs, sans réellement connaître les potentialités du secteur touristique. Beaucoup aimeraient être magistrats plutôt que directeurs d’hôtel. Pourtant, l’un comme l’autre sont des métiers qui font vivre. Il est primordial d’encourager la formation. À l’exemple de la France qui compte, dans un seul département, une vingtaine d’écoles de tourisme et d’hôtellerie. Ici, on compte le même nombre dans tout le pays. C’est pour dire que beaucoup reste encore à faire.  

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