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Interview Rencontre

François de Senneville : « Maurice doit accélérer la signature de traités avec l’Afrique »

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François de Senneville : « Maurice doit accélérer la signature de traités avec l’Afrique » | business-magazine.mu

François de Senneville, responsable du desk Afrique à Lazareff-Lebars, est convaincu du potentiel de Maurice quant à l’exploitation du nouvel axe commercial Chine-Afrique qui se dessine. Ces vingt dernières années, il a facilité l’implantation de plusieurs sociétés étrangères sur le continent.

BUSINESSMAG.Vous avez participé le mois dernier à deux conférences sur les perspectives commerciales entre la Chine et l’Afrique et le règlement des litiges. Quelles sont les leçons que vous en tirez ?

J’étais effectivement à Maurice dans le cadre du Forum on China – Africa Cooperation (Focac). La tenue de cette conférence sur le sol mauricien est un témoignage de la confiance supplémentaire de la Chine et de l’Afrique à l’égard de Maurice. Le Focac s’est tenu à l’auditorium de Grand-Baie les 6 et 7 décembre. Alors que le Mauritius International Arbitration Centre (MIAC) s’est déroulé les 10 et 11 décembre. Ces deux événements sont liés.Le Focac aborde les perspectives de commerce sino-africain et la nécessité pour les opérateurs économiques de s’accorder sur une technique souple du règlement des litiges qui en découleront. Le MIAC traite des avantages du règlement de ces litiges par le biais du nouveau centre d’arbitrage international mauricien.

Le MIAC apporte une réponse pratique au besoin clairement exprimé par les opérateurs chinois présents en Afrique, ce qui devrait contribuer à son succès.

BUSINESSMAG.Pourquoi accorder autant d’importance à l’arbitrage alors que d’autres types de règlement alternatifs de litiges – commerciaux ou civils – existent, à l’instar de la médiation ?

L’arbitrage n’exclut pas la médiation. Celle-ci est l’une des étapes de l’arbitrage. Il importe aussi de souligner que l’arbitrage est un outil qui répond aux besoins de rapidité et de pragmatisme du monde des affaires. Vous connaissez l’adage selon lequel une mauvaise transaction est préférable à un bon procès.

BUSINESSMAG.Valeur du jour, quels sont les principaux axes de coopération entre le continent africain et la Chine ?

La Chine a grandement besoin de l’Afrique pour ses matières premières. Mais elle souhaite également capitaliser sur le vaste marché africain émergent.

Une réflexion s’impose ici : il y a souvent des détracteurs qui émettent des remarques selon lesquelles les produits en provenance de la Chine sont d’une qualité inférieure aux produits européens. Mais force est de constater que le rapport qualité-prix des produits chinois correspond souvent mieux aux besoins du marché émergent africain.

BUSINESSMAG.Peu à peu, l’Europe perd de son importance en tant que partenaire privilégié de l’Afrique au profit de la Chine et des pays émergents…

La présence étrangère sur le continent s’est diversifiée au fil du temps. Outre les Chinois, on constate aussi en Afrique la présence d’investisseurs brésiliens, russes ou indiens à côté des partenaires historiques comme la France. Le ralentissement économique des pays de la zone euro et l’émergence des nouveaux acteurs économiques précités
expliquent notamment ce rééquilibrage.

BUSINESSMAG.L’île Maurice se mobilise-t-elle suffisamment pour obtenir sa part du gâteau ?

En préservant sa stabilité politique, un cadre juridique et fiscal approprié et en continuant à développer ses infrastructures – aériennes, portuaires, routières et autres –, Maurice dispose de beaucoup d’atouts pour inciter les grandes entreprises mondiales à établir localement leur quartier général afin d’asseoir leur développement en Afrique. Par exemple, les leaders mondiaux de la distribution sur le continent auront souvent intérêt à créer leur centrale d’achats pour l’Afrique à Maurice et y disposer d’une équipe centrale avec les professionnels nécessaires pour fournir les services dont leurs filiales ont besoin sur le continent.

Ces services incluent notamment l’assistance comptable, financière, juridique, fiscale et logistique. Cette approche permettra de générer de la charge déductible pour le calcul des résultats des filiales africaines (généralement fortement taxées) avec pour effet immédiat la baisse du taux effectif d’impôt du groupe en Afrique du fait de la faible pression fiscale à Maurice où seront taxés les produits correspondants (Management Fees et autres).

BUSINESSMAG. L’ambition des autorités de positionner Maurice comme un centre d’arbitrage régional est-elle réaliste ?

Certainement ! Lorsqu’on voyage sur le continent africain, on constate à quel point le branding de Maurice est costaud. Il y a aujourd’hui une demande réelle pour des relations (politiques et économiques) Sud-Sud. Autrement dit, les pays de l’hémisphère sud préfèrent désormais faire du commerce avec les voisins de la région au lieu d’envisager le développement de leurs relations avec les pays plus au Nord. Avec son émergence économique, l’Afrique retrouve sa confiance en elle et en ses partenaires naturels. Elle souhaite accélérer son histoire de ce point de vue.

BUSINESSMAG.Justement, en parlant d’intégration régionale commerciale, est-on sur la bonne voie ?

Maurice doit accélérer le rythme de signature de nouveaux accords avec les Etats africains, surtout les traités, afin d’éviter les doubles impositions que les opérateurs économiques attendent pour justifier plus d’opérations entre Maurice et le continent.

BUSINESSMAG.Vous rejoignez donc les observateurs internationaux qui pensent que Maurice peut devenir une plaque tournante pour les investissements en Afrique ?

Je le réaffirme. De par notre stabilité politique, notre législation business-friendly, notre infrastructure sophistiquée, notre société culturellement cosmopolite et notre situation géographique, nous sommes capables de travailler avec les différents continents, notamment l’Afrique, l’Asie, l’Europe et l’Amérique. Nous connaissons ces atouts, le moment est venu d’en profiter pleinement.

BUSINESSMAG.Quels sont les défis immédiats à relever pour optimiser ce positionnement en tant que centre d’arbitrage régional ?

La diaspora mauricienne compte nombre de ses représentants dans les grands cabinets internationaux. Il faut les encourager à travailler ensemble, avec leur expertise complémentaire, pour offrir aux entreprises internationales l’assistance qu’elles attendent en vue de gérer la complexité de leur développement en Afrique via Maurice. L’expertise juridique pour prévoir la résolution des conflits inhérents à ce développement sur le continent par le biais de techniques de résolution des conflits appropriées, comme l’arbitrage à Maurice, doit faire partie de ce « package » de services à leur proposer.

BUSINESSMAG.Dispose-t-on d’un capital humain adéquat pour mener à bon port ce projet ?

Il ne faut surtout pas décevoir cette clientèle. Elle est internationale et attend un niveau de service élevé. Maurice dispose d’un capital humain de qualité qui permet d’envisager le développement de notre offre de service vers plus de valeur ajoutée pour nos clients.

BUSINESSMAG. L’île Maurice se donne-t-elle suffisamment les moyens pour former cette élite qui sera le trait d’union avec l’Afrique ?

La politique gouvernementale destinée à encourager la formation à Maurice pour nos besoins, voire ceux du continent, est ambitieuse et doit être encouragée. Elle contribuera au succès des cabinets de conseil locaux comme DTOS qui sont décidés à se structurer pour relever le défi des services à valeur ajoutée destinés à ces entreprises mondiales qui ciblent l’Afrique.

Nos juristes ne sont pas en reste. Je saisis cette occasion pour vous dire toute ma fierté d’être Mauricien.

Nous avons donc tout le capital humain et la crédibilité pour réussir. A nous de savoir nous organiser autour de nos talents. Maurice dispose du crédit nécessaire afin de solliciter les financements adéquats pour mener à bien cette mission éducative auprès des institutions nationales telles que la Banque africaine de développement où elle jouit d’une excellente réputation.

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