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Interview Rencontre

François Eynaud : «Une croissance de 10 % des arrivées souhaitable»

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François Eynaud : «Une croissance de 10 % des arrivées souhaitable» | business-magazine.mu

François Eynaud, président de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (Ahrim), analyse la situation dans l’industrie touristique. Compte tenu des difficultés en Europe et de la forte augmentation de capacité des hôtels, il soutient qu’il faut diversifier.

BUSINESSMAG. M. Eynaud, que vous inspire la performance de l’industrie touristique en 2012?

Nous n’avons pas eu de croissance des arrivées touristiques en 2012. Nous avions craint le pire en milieu d’année. On peut donc dire que nous avons minimisé la casse mais c’est une performance mitigée si on tient compte de la prévision de 3,1 % de croissance établie fin 2011, de la croissance du tourisme mondial de 3 % à 4 % et surtout de la croissance de 7 % du parc hôtelier mauricien (sans compter la croissance d’inventaire para-hôtelier). La chute des arrivées touristiques en provenance d’Europe a été tout juste compensée par la croissance des marchés régionaux et émergents. Cela dit, notre début de diversification de marchés est encourageant. Le taux d’occupation national, qui était de 76 % en 2007 et de 65 % en 2011, va donc chuter à environ 62 % en 2012. Au niveau global, pour la majorité des opérateurs, cela a été une année très difficile avec également un euro très bas jusqu’à septembre et des coûts d’opération en hausse.

BUSINESSMAG. On attend une reprise cette année mais les consommateurs européens sont-ils vraiment plus enclins à voyager ?

Certaines craintes en Europe se sont stabilisées, même si le chômage continue à augmenter. La hausse des taxes en France va entamer le pouvoir d’achat – mais les vacances demeureront une priorité des Européens qui voyageront sans doute différemment. Nous nous attendons à une reprise très progressive qui commencera par l’Angleterre. L’Europe va rester une zone à faible croissance du PIB (produit intérieur brut). Compte tenu de notre importante augmentation de capacité d’hébergement, nous devons absolument aller chercher des relais de croissance forte dans les marchés émergents tout en consolidant l’Europe et sans oublier le potentiel sous-exploité de l’Allemagne.

BUSINESSMAG. Statistics Mauritius prévoit une croissance de 3,5 % cette année, avec un million de touristes. Cette croissance est-elle réalisable, selon vous ?

Je pense que 3,5 % de croissance des arrivées est réalisable en 2013 s’il n’y a pas de détérioration économique dans nos marchés (même s’il semblerait que janvier connaisse une baisse). Tout dépendra de l’évolution du service et du prix de l’aérien ainsi que de l’efficacité de nos efforts de promotion. Des alternatives substantielles et efficaces doivent être mises en place pour compenser le retrait d’Air Mauritius de l’Allemagne, la Suisse et l’Italie. Les vols additionnels d’Emirates, d’Air Mauritius sur Shanghai, de Livingstone, sont des initiatives qui vont dans la bonne direction. Nous espérons également que les initiatives d’Aeroflot pour la Russie, d’Air Mauritius sur Beijing et de Kenya Airways vont se concrétiser.

BUSINESSMAG. De nombreux opérateurs réclament un plan d’ensemble pour le secteur. Qu’en pensez-vous ? Doit-on revoir notre stratégie de développement touristique ?

Tout à fait, et c’est ce que l’AHRIM propose depuis un an. Il y a eu, en 2012, un début de concertation structurée entre les principaux acteurs du tourisme. Une bonne prise de conscience a été effectuée ainsi qu’une définition des priorités. Nous saluons le fait que certaines actions ont été enclenchées. Cette année, nous devons passer rapidement à l’étape supérieure et prendre des décisions importantes afin de relancer l’industrie touristique.

BUSINESSMAG. L’année dernière, vous avez demandé le gel des développements hôteliers en attendant la reprise. Avez-vous changé d’avis depuis ?

Non, au sein de l’AHRIM, nous pensons fermement que pour inverser le cercle vicieux surcapacité d’hébergement/arrivées touristiques stagnantes entraînant une guerre des prix qui affecte notre image, nous devons à la fois agir sur l’offre, c’est-à-dire limiter les nouveaux développements, et la demande, soit la stimuler à travers des efforts de promotion concertés, un meilleur service aérien, un maintien de notre image qualitative et exclusive. Il nous faudrait une croissance des arrivées de 10 % par an pour équilibrer l’offre d’hébergement et la demande d’ici 2017. C’est déjà très difficilement réalisable et encore plus si le parc d’hébergement continue à croître.

BUSINESSMAG. L’endettement du secteur hôtelier est un facteur inquiétant. L’économiste Georges Chung avait attiré l’attention sur le fait que les dettes des trois grands groupes hôteliers atteignent Rs 30 milliards, soit le double de leur chiffre d’affaires. Comment résoudre ce problème d’endettement ?

L’endettement et la trésorerie du secteur hôtelier sont de réels problèmes. Chaque opérateur doit restructurer sa dette, améliorer la rigueur de sa gestion, afin de traverser les quelques années difficiles qui restent devant nous. La ligne de crédit spéciale en devises étrangères de la Banque de Maurice (BoM) a été utilisée à ce jour à hauteur de Rs 800 millions. Il nous faut absolument trouver les solutions avec la BoM et les banques commerciales pour mieux utiliser cette ligne de crédit. L’AHRIM y travaille actuellement avec les stakeholders.

BUSINESSMAG. Air Mauritius, partenaire important du secteur touristique, annonce l’arrivée d’un nouveau partenaire stratégique. Pensez-vous que cela va aider à résoudre les problèmes d’accès aérien de la destination ?

Effectivement, la restructuration d’Air Mauritius et la recherche d’un partenaire stratégique sont d’une importance capitale pour notre tourisme. Air Mauritius a énormément contribué au développement de l’industrie touristique, mais aujourd’hui, celle-ci souffre beaucoup des problèmes de la compagnie aérienne nationale. En tenant compte de la situation d’Air Mauritius (qui a actuellement plus une mission de profitabilité que d’intérêt national), nous devons élaborer une stratégie de service aérien et motiver les compagnies aériennes des marchés à fort potentiel à desservir Maurice - de bonnes initiatives sont en cours. Actuellement, nous n’avons pas assez de vols, il y a énormément de goulots d’étranglement et le prix du billet d’avion (et des taxes) n’est pas compétitif comparé à d’autres destinations touristiques similaires.

Je pense néanmoins que les choses avancent dans la bonne direction : signer de nouveaux accords bilatéraux, ajuster ceux qui existent déjà si nécessaire et motiver davantage les compagnies qui nous intéressent à desservir Maurice, tout en protégeant la restructuration de notre compagnie nationale. L’inauguration de notre nouvel aéroport en 2013 sera un évènement important qui va améliorer notre capacité d’accueil. Il ne nous manquera plus que davantage de vols et de touristes.

BUSINESSMAG. Qu’attendez-vous de la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA) qui est dans un processus de restructuration ? Doit-elle revoir sa stratégie marketing et mieux canaliser ses ressources ?

J’ai participé, le 19 janvier dernier, à une journée de travail sur la restructuration de la MTPA avec de nombreux acteurs de l’industrie, ainsi que le ministre du Tourisme. Je tiens à féliciter la MTPA de se remettre ainsi en question en toute humilité. L’exercice a été très encourageant et a démontré une grande volonté collective de travailler ensemble à trouver les solutions de relance du tourisme. Vu l’importance du tourisme pour Maurice et de la MTPA dans son rôle de leader et de fédérateur, nous attendons beaucoup de cette restructuration, que nous espérons rapide et efficace.

BUSINESSMAG. François Eynaud, vous êtes également CEO du groupe Veranda Leisure & Hospitality (VLH). Pouvez-vous nous dire quelle a été sa performance en 2012 ?

Nous sommes très satisfaits de notre progression en 2012 – même si le groupe reste déficitaire, notamment à Heritage Resorts, où les opérations villas ne démarrent vraiment que maintenant. Nous avons drastiquement réduit nos pertes et cela, grâce à un effort fantastique de toutes nos équipes. Nous récoltons le fruit de nos deux années de travail sur le concept touristique innovateur du Domaine de Bel Ombre, constitué des hôtels Heritage Awali et Heritage Le Telfair, Heritage The Villas, Heritage Golf Club, le C Beach Club, Le Château de Bel Ombre et la réserve de Frederica. Ce concept qui offre une variété inédite d’activités mer et nature ainsi que d’expériences culinaires, entre autres, est maintenant connu et apprécié par les marchés.

Par ailleurs, les hôtels de charme de Veranda Resorts qui sont la référence dans le milieu de gamme, se portent bien et continuent à offrir à nos clients des vacances authentiquement mauriciennes, de qualité. Ce segment est moins touché pour l’instant par la surcapacité de l’offre. Grâce à des équipes extraordinaires, nous allons continuer à améliorer notre performance en 2013, malgré l’environnement économique qui demeurera difficile. Nous essayons de gérer comme tous les autres hôteliers la situation difficile au niveau de la trésorerie mais nous ne serons plus déficitaires au niveau de la profitabilité en 2013. Nous profitons de la crise pour améliorer notre gestion. VLH va dans la bonne direction et est prêt à bénéficier pleinement de la reprise quand celle-ci se manifestera.

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