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Interview Rencontre

Jozef Tournel: «La politique antiterroriste locale doit demeurer très proactive»

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Jozef Tournel: «La politique antiterroriste locale doit demeurer très proactive» | business-magazine.mu

Le Managing Partner de l’antenne mauricienne d’EMA Partners, multinationale spécialisée dans la recherche de cadres et la restructuration des organisations, livre ses impressions sur les grands dossiers économiques de l’île. La mise en place d’un bon réseau aérien, insiste-t-il, est primordiale.

BUSINESSMAG. Parlez-nous de la société que vous représentez. Pourquoi a-t-elle choisi de s’implanter à Maurice ?

EMA Partners est une société qui se concentre sur la recherche de cadres et le développement des organisations. Fondée au Royaume-Uni en 1988, elle a plus de 40 bureaux sur les six continents. En Afrique, EMA Partners compte trois antennes à ce jour et celle de Johannesburg gère la partie sud du continent.

En nous installant à Maurice, il y a maintenant deux ans, nous avions pour objectif de servir l’Afrique de l’Est et centrale principalement, avec un partenaire possédant de l’expérience sur le continent. La société a aussi été motivée par la facilité de faire des affaires qui caractérise l’île et son bilinguisme. C’est un aspect très important car sur le continent africain, il faut maîtriser la culture anglophone de l’Est aussi bien que la culture francophone des parties centrale et ouest.

BUSINESSMAG. De quelle façon EMA Partners se distingue-t-elle des autres entreprises opérant sur le créneau de la recherche de talents ?

Comme je l’ai déjà dit, EMA Partners a pour vocation de trouver des cadres, soit des spécialistes et professionnels de haut niveau, appelés à être partie prenante de la direction des organisations. En ce faisant, nous nous focalisons sur cinq secteurs qui sont en développement aussi bien à Maurice qu’en Afrique : «oil and gas», services financiers, agro-industrie, automobile et «fast-moving consumer goods». De plus, notre approche se veut être personnalisée: nous essayons de comprendre comment fonctionnent les organisations qui s’adressent à nous afin de trouver les talents qu’il leur manque. Notre démarche est axée sur les résultats et pour que ceux-ci soient optimisés, nous orientons nos recherches vers des profils internationaux. En 2014, 95 % de mes clients se trouvaient en Afrique. Mais vu l’expérience d’EMA Partners dans le secteur financier au fur et à mesure, je suis entré en contact avec les banques mauriciennes. En conséquence, le business grandit aussi bien ici.

Cependant, les activités d’EMA Partners ne se limitent pas à la recherche de cadres mais comportent un autre volet, celui de la réorganisation des entreprises. À ce niveau, nous agissons comme des agents de changement, notre rôle étant d’analyser leur profitabilité et leurs processus de gestion, entre autres. Il est quand même important que toutes les organisations se mettent devant un miroir de temps en temps, de préférence avec l’aide d’une société bénéficiant d’une expérience internationale, pour identifier les zones qui nécessitent des améliorations

BUSINESSMAG. Vous connaissez bien le secteur financier suisse pour y avoir travaillé. Quelles impressions vous inspire ce même secteur à Maurice ?

Il est vrai que je viens du monde financier suisse et de par mon expérience, je pense que les banques mauriciennes souffrent d’un handicap sur le plan des services. Cela est dû à leur petite taille et par conséquent, aux moyens limités dont elles disposent pour évoluer à ce niveau. Je citerai, par exemple, la nécessité d’une meilleure formation pour les cadres, surtout ceux dont les fonctions ont trait au «private banking».

À mon avis, il y aura probablement des fusions de banques à l’avenir. Si tel est le cas, elles permettront au pays de posséder des institutions bancaires plus résistantes en période de crise et offrant aux investisseurs étrangers une garantie de stabilité accrue.

BUSINESSMAG. Qu’en est-il des aspirations de l’île à devenir le centre financier de la région ?

En parlant avec les clients africains d’EMA Partners, nous nous rendons compte que Maurice a déjà partiellement acquis ce statut. Selon moi, pour arriver à la prochaine étape, il faudra au secteur financier de l’île non seulement de meilleurs services mais aussi des bilans financiers plus stables. C’est un secteur qui a soif de bonnes mesures et a besoin du soutien du gouvernement, de la Banque centrale. Il est certain que le pays a le potentiel de s’améliorer en tant que «hub» financier pour l’Afrique.

BUSINESSMAG. Les services d’EMA Partners s’adressent aussi bien aux multinationales et aux organisations à but non lucratif qu’aux gouvernements. À votre avis, certains ministères, à Maurice, devraient-ils revoir leur fonctionnement ?

Cela fait deux ans que je vis à Maurice. Ma connaissance des différents ministères et environnements politiques est donc encore toute jeune. Néanmoins, je pense que chaque organisation doit analyser elle-même ses points forts et ses faiblesses pour être en mesure d’élaborer, par la suite, un plan d’amélioration.

Il semble toutefois que des corps parapublics tels que le Central Electricity Board et la Central Water Authority ont grandement besoin d’être restructurés. Il y a, en effet, de fréquentes coupures d’électricité et une pression d’eau insuffisante dans de nombreuses régions de l’île.

BUSINESSMAG. Parmi les projets gouvernementaux les plus ambitieux figure le développement des facilités de soutage («bunkering»), de l’accès aérien et des infrastructures routières… Dans quel ordre de priorité les classeriez-vous ?

Je dirais que la priorité devrait être accordée à la mise en place d’un bon réseau aérien car cela peut être un excellent levier pour l’économie nationale. Les investissements dans ce secteur s’accompagneront sans doute de pertes financières dans un premier temps mais le jeu en vaut la chandelle.

En deuxième lieu, pour ce qui est des infrastructures routières, j’estime que ce serait une bonne idée de ressusciter le projet de métro-léger. En ce qui me concerne, je privilégierais une technologie s’inscrivant dans une logique de développement durable, soit le métro électrique. Cela m’apparaît comme une urgence car à Maurice, les voitures sont de plus en plus prisées alors que le nombre de morts sur les routes est très élevé. J’approuve d’ailleurs le fait que le ministère des Infrastructures publiques se penche actuellement sur la réorganisation du système de permis. Il est impératif de revoir la manière de gérer les routes à Maurice.

S’agissant du «bunkering», mon expérience dans le port pétrolier/chimique d’Anvers en Belgique pendant dix ans m’amène à dire que le développement de cette activité demande beaucoup d’investissements en termes d’installations, sans que l’on soit certain des résultats.

BUSINESSMAG. Outre les finances, Maurice voudrait être une passerelle vers l’Afrique dans divers secteurs, dont le tourisme et l’éducation. Quelles sont les stratégies à mettre en place afin d’atteindre cet objectif ?

En premier lieu, une bonne stratégie aérienne, favorisant la connexion avec les plus grandes capitales du monde ainsi qu’avec l’Afrique de l’Est, est très importante.

Un autre point essentiel et qui a un impact aussi bien sur le tourisme que sur l’économie de l’île est la sécurité. Énormément de touristes aujourd’hui préfèrent Maurice à une destination comme l’Égypte pour cette raison. La politique sécuritaire locale doit demeurer très proactive afin d’éviter toute attaque terroriste. Le tourisme mauricien a augmenté de 15 % l’an dernier et l’île attire davantage d’Européens et de Chinois parce que pour le moment, elle projette l’image d’une destination «terrorist free». C’est donc un endroit idéal pour se reposer et faire du business en sécurité.

Sur le plan de l’éducation, les universités locales devraient adopter une stratégie semblable à celle que l’Union européenne avait conçue dans le passé à travers le programme Erasmus, soit des échanges d’étudiants entre différents pays. La finalité de la démarche étant l’enrichissement culturel des participants.

À Maurice, selon moi, le gouvernement peut développer encore plus ce type de projet. Par exemple, dans le secteur agricole, il pourrait y avoir des échanges avec l’université Kenyatta, à Nairobi. Quant au secteur financier, les banques apprécient particulièrement les étudiants issus de l’université du Witwatersrand en Afrique du Sud pour leurs excellentes facultés bancaires et financières. Je pense que ce type d’échanges aidera Maurice à devenir un «hub» pour des étudiants internationaux.

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