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Interview Rencontre

Michel Coquet (Managing Director d’Imprimerie et Papeterie Commerciale) « L’offset a encore un bel avenir malgré l’arrivée du numérique »

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Michel Coquet (Managing Director d’Imprimerie et Papeterie Commerciale) « L’offset a encore un bel avenir malgré l’arrivée du numérique » | business-magazine.mu

BUSINESSMAG. Imprimerie et Papeterie Commerciale (IPC) est une référence dans son domaine, étant la plus ancienne imprimerie de l’île. Comment se portent vos opérations dans ce contexte de crise ?

Effectivement, nous existons depuis 1941. IPC est une entreprise familiale fondée par mon père, que je gère depuis 1971. Au fil des décennies, nous avons su nous adapter en permanence aux exigences du marché, en restant en contact perpétuel avec les évolutions techniques, en investissant judicieusement et – plus important – en essayant de proposer une qualité irréprochable et des prix compétitifs.

Nous développons, par ailleurs, notre savoir-faire dans des métiers spécifiques de l’imprimerie, comme la dorure, ce qui nous permet d’ajouter de la valeur à nos produits et de proposer des solutions innovantes et créatives à nos clients.

Notre stratégie de devenir de plus en plus performant dans des niches spécifiques nous ouvre des portes nouvelles, à l’exportation par exemple, et nous positionne aujourd’hui comme une référence sur le marché.

Nos opérations se portent bien malgré la crise mondiale. Au fil des ans, nous avons évolué en tant qu’imprimeur de labeur (jobbing printer) pour devenir un imprimeur spécialisé dans l’imprimerie haut de gamme.

Cette stratégie a été payante et nous a bien préparés à cet environnement incertain et volatil dans lequel nous vivons depuis quelques années. L’important est d’avoir un produit adapté, qui sache évoluer rapidement avec des coûts maîtrisés.

BUSINESSMAG. Le secteur de l’imprimerie subit les affres du ralentissement économique. Certaines entreprises sont en réelle difficulté. Quelle est votre analyse de la situation ?

Le secteur comprend plus de 200 entreprises. Comme dans tous les autres secteurs, nous notons un ralentissement. Les grosses structures ont une inertie importante par la force des choses et se montrent moins réactives lorsqu’il faut changer de cap. Inversement, les structures plus modestes ont vraiment du mal à rester en phase avec les évolutions techniques et peinent à investir davantage, mais le secteur résiste.

À IPC, nous avons beaucoup investi au niveau des ressources humaines. Nous misons sur la formation continue et le service à la clientèle, une composante parfois négligée, mais qui est primordiale pour nous.

« Nous avons trouvé des marchés niches sur la région et exportons des produits haut de gamme, des travaux qui exigent un certain savoir-faire.»

BUSINESSMAG. Comment a évolué le coût des intrants ces dernières années ?

Le prix des intrants a pris l’ascenseur. Et cela malgré notre roupie dite « forte ». Pour l’encre, heureusement, nous avons pu trouver des sources d’approvisionnement autres que l’Europe comme l’Indonésie, la Malaisie et la Chine.

Le coût de la main-d’oeuvre et de l’énergie est plus cher. En général, nos coûts ont déjà augmenté de 10 à 15 % à tous les niveaux. La piraterie dans l’océan Indien a eu également un impact sur nos coûts, car nous devons maintenant payer davantage pour le fret maritime et l’assurance.

Il faut réussir à contenir la hausse des coûts pour continuer à produire à des prix compétitifs. C’est un réel défi. Cela veut dire des machines et des hommes sans cesse plus performants.

BUSINESSMAG. Qu’en est-il de l’accès au financement. Il y a eu certaines critiques à ce sujet…

Je ne crois pas qu’il y ait de problème à ce niveau dans le secteur de l’imprimerie. Au contraire, le coût de l’argent est passé à 7,5-8 %. Dans le passé, je l’ai connu à 15 %. Par contre, les frais associés à l’emprunt sont trop élevés.

BUSINESSMAG. La crise économique a-t-elle engendré une guerre des prix au sein de l’industrie ?

Notre marché étant petit, quand le travail manque, il y a un effet de guerre de prix. À IPC, nous n’entrons jamais dans ce genre d’équation. Notre priorité est de maîtriser nos coûts dans certaines limites acceptables. Il y a une différence énorme entre un geste commercial vis-à-vis d’un bon client et le fait de casser les prix. Il y a des limites à ne jamais franchir.

BUSINESSMAG. Avec un marché local restreint, quelles sont les réelles perspectives d’exportation pour les imprimeries mauriciennes ?

Elles sont illimitées ! L’Afrique, par exemple, a besoin de produits haut de gamme, de boîtes, d’emballages, d’étiquettes, de livres. Mais exporter de Maurice n’est pas si facile… L’une des grosses contraintes est le coût du fret mais aussi le délai de livraison.

Partant de Maurice, cela prend un à deux mois pour livrer sur le continent. Les Africains préfèrent souvent s’adresser ailleurs et travailler avec des imprimeurs sud-africains ou ceux de Dubaï qui n’ont pas les problèmes de transport auxquels nous sommes confrontés pour livrer en temps et en heure sur le continent.

Une fois que vous débarquez sur la côte africaine, vous êtes aussi confronté à un problème de transport intérieur. Il faut pouvoir rouler par camion. Parfois, les marchandises n’arrivent même pas à destination... D’ailleurs, certains de mes confrères ont rencontré de grosses difficultés en voulant exporter.

Le potentiel d’exportation existe aussi sur les marchés régionaux comme la Réunion, les Comores et Mayotte, mais il faudrait qu’on ait un meilleur accès à l’export, d’autant plus que nos produits sont volumineux et lourds.

BUSINESSMAG. Quel pourcentage de votre production exportez- vous actuellement ?

L’année dernière, 22 % de notre production était destinée au marché d’exportation. Ce chiffre s’améliore d’année en année. Nous avons une équipe de marketing qui voyage régulièrement à la recherche de nouveaux clients.

Nous avons trouvé des marchés niches sur la région et exportons des produits haut de gamme, des travaux qui exigent un certain savoir-faire.

BUSINESSMAG. Vous avez lancé deux entreprises spécialisées dans l’export. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Effectivement, ces deux compagnies emploient 120 personnes. Je les ai lancées avec mon partenaire, Jean-Marc Santucci. Nous avons développé le créneau de la mise en page, de la retouche chromique d’images, du packaging et de la validation pour le compte de grands clients européens comme Nestlé, Danone et Casino, notamment.

BUSINESSMAG. La compétition étrangère de la Chine notamment est-elle une source d’inquiétude, voire une menace pour l’imprimerie locale, et y a-t-il beaucoup d‘entreprises mauriciennes qui font appel aux imprimeurs étrangers?

Effectivement, cette compétition existe. Mais il faut considérer le rapport qualité-prix, l’empreinte écologique, les emplois générés par les imprimeurs locaux et notre économie en général.

Notre rôle à tous est de stimuler les compétences à Maurice et d’encourager le secteur à rayonner à l’export plutôt que d’avoir recours à l’importation. Nous avons tout le savoir-faire voulu à Maurice pour faire tous types de travaux : presse, magazines, packaging, cartonnerie, « flexo », plastique…

BUSINESSMAG. Quelles sont vos attentes, en tant qu’entrepreneur, en prévision du Budget ?

J’aurais aimé que le ministre des Finances et que le gouvernement réalisent que le secteur manufacturier mauricien, qui fabrique des produits locaux, est non seulement une fierté nationale, mais aussi qu’il génère des emplois et crée de la richesse pour le pays. Le secteur manufacturier regroupe des grandes entreprises, mais aussi des petites et moyennes entreprises.

Il faut lui accorder toute l’attention qu’il mérite. Plutôt que de penser à des importateurs qui font du commerce et qui revendent les produits sans prendre de gros risques, je souhaiterais que le gouvernement réalise qu’il y a une grande différence entre les deux et accorde l’encouragement nécessaire aux entreprises manufacturières.

BUSINESSMAG. À part l’exportation, comment voyez-vous évoluer l’imprimerie mauricienne ?

Je crois qu’un marché va se développer pour tous les petits tirages, avec la venue de l’impression numérique. Certains prévoient même la disparition de l’offset. Personnellement, je pense que l’offset a encore de belles années devant elle. Il y a une évolution énorme au niveau du numérique. Le numérique est là. C’est une réalité ! Lui aussi permet de faire des petits tirages de 1 à 10 exemplaires. Il faut s’équiper pour prendre la vague numérique.

Déjà deux ou trois entreprises locales ont investi dans des équipements numériques et offrent ces services qui n’existaient pas encore il y a trois ans.

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