Type to search

Interview Rencontre

Stéphane Ulcoq : «Le développement d’UBP passe par une implantation en Afrique»

Share
Stéphane Ulcoq : «Le développement d’UBP passe par une implantation en Afrique» | business-magazine.mu

En poste depuis début 2015, le Chief Executive Officer d’UBP revient sur les réalisations du groupe depuis sa création, il y a plus de 60 ans. Tout en préservant les acquis et valeurs du groupe, il œuvrera, dit-il, en faveur d’une plus grande synergie entre les entreprises d’UBP et favorisera son développement à l’international.

BUSINESSMAG. Vous avez pris les rênes du groupe en début d’année. Quel sont vos objectifs? 

Le chemin parcouru depuis la création de la compagnie, en 1953, est impressionnant. Au début des années 2000, sous le leadership de Jean-Michel Giraud, le groupe UBP a connu une phase d’accélération en termes de développement, avec l’ouverture de filiales à Madagascar et au Sri Lanka, la création d’Espace Maison et l’acquisition du Domaine de Gros Cailloux, entre autres.

UBP est aujourd’hui un groupe dynamique qui repose sur des bases saines et solides. C’est aussi plus d’un millier d’employés passionnés, fiers d’appartenir à la grande famille de «la Basalte». UBP est en outre synonyme de qualité irréprochable. Nos produits sont issus de procédés de fabrication sans cesse améliorés, intégrant les toutes dernières technologies. Nos clients savent que nous tenons nos engagements et ils nous font confiance.

Pour en revenir à votre question, en tant que nouveau Chief Executive Officer (CEO) du groupe, mon objectif premier est de protéger ces acquis, de les pérenniser. Je pense que les valeurs inscrites dans l’ADN de notre groupe feront toujours notre force, et la préservation de ces valeurs restera au cœur de mes préoccupations.

Toutefois, aucune entreprise ne peut survivre en se contentant de se reposer sur ses acquis. Mon ambition est de donner au groupe UBP les moyens de maintenir son rythme de développement soutenu, tout en gardant le cap fixé par mon prédécesseur. Il est important de dégager plus de synergies entre les différentes entreprises du groupe, pour mieux bénéficier de la complémentarité qui existe entre elles. Le développement à l’international sera aussi un axe majeur de notre évolution. Je veux créer les conditions nécessaires au groupe pour franchir de nouveaux paliers.

BUSINESSMAG. Le bilan financier 2013/2014 du groupe UBP révélait une baisse de performance. Comment se présente l’année en cours ?

Certes, notre résultat 2013/14 a été moins bon que celui de l’année précédente, malgré des profits de Rs 94,2 millions. Mais il est important de tenir compte de la rétractation du marché de la construction durant la période 2013/2014, caractérisée par une quasi-absence de grands projets d’infrastructure et de déve-loppements immobiliers. Le PIB pour le secteur de la construction avait connu, en 2013, une baisse de 9,4 % par rapport à l’année précédente. Cette crise, et le mot n’est pas fort, a affecté sensiblement le volume
d’activité au sein de notre «core business» qui représente la plus grande part de nos revenus au niveau du groupe. Dans un tel contexte, il était difficile d’espérer mieux.

L’année en cours ne diffère pas de sa devancière pour ce qui est du nombre de grands projets réalisés ou en voie de réalisation. À ce jour, la plupart des grands projets annoncés sont encore dans les tiroirs. Toutefois, dans notre «core business», nos volumes se maintiennent par rapport à 2013/14. Nos autres filiales connaissent, elles aussi, un niveau d’activité équivalent à celui de l’année précédente.

BUSINESSMAG. Dans quelle mesure la reprise annoncée dans le secteur de la construction se traduit-elle dans les faits ?

Tous les acteurs du secteur de la construction s’accrochent effectivement à l’espoir d’un début de reprise, après des années moroses. Cette reprise passe, à mon avis, par le lancement de grands projets, notamment d’infrastructures publiques. Je suis de ceux qui pensent que le gouvernement pourrait donner à ce secteur le coup de pouce dont il a besoin en mettant en chantier un certain nombre de projets qui sont déjà ficelés et ne demandent qu’à être exécutés.

Il est aussi primordial de redonner confiance aux investisseurs et aux promoteurs du secteur privé. Il faut leur garantir un environnement d’affaires stable et sain, dans lequel tout le monde joue selon les mêmes règles. Sinon, ils ne consentiront pas à prendre des risques et leurs projets n’existeront que sur papier. Cela est particulièrement vrai dans le secteur de la construction, où les investissements sont conséquents et les risques élevés. Il est clair que le nouveau gouvernement l’a très bien compris, si l’on en juge par ce qu’il nous a montré jusqu’ici et par les mesures annoncées dans le Budget 2015/2016. Le gouvernement a exprimé sa volonté de soutenir le secteur privé dans ses initiatives et semble décidé à jouer son rôle de facilitateur. Les conditions d’un regain de confiance sont réunies et, si les mesures annoncées sont appliquées, on a de bonnes raisons d’espérer une reprise.

BUSINESSMAG. Quels ont été les moyens mis en œuvre par UBP pour faire face à la crise dont vous parliez plus tôt ?

N’oubliez pas que la fabrication de blocs et d’agrégats n’est pas la seule activité du groupe UBP ! Certes, nos différentes filiales ont toutes une activité inscrite dans le secteur de la construction, mais elles n’ont pas été affectées de la même manière par la crise qui a sévi et qui sévit encore dans ce secteur. Notre filiale Drymix, par exemple, qui fabrique des colles à carrelage et des mortiers innovants à haute valeur ajoutée, a réalisé des performances en hausse en 2013/14, malgré cette crise.

UBP peut aussi compter sur la fidélité des particuliers, qui se tournent majoritairement vers elle pour leur approvisionnement en agrégats et en blocs. Le marché de la maison individuelle est, bon an mal an, plutôt constant en termes de volumes. Ce marché constitue en quelque sorte un socle sur lequel UBP peut se reposer, même en l’absence de grands projets. Cette fidélité s’explique, selon moi, par trois facteurs principaux. Premièrement, UBP accorde une grande importance aux particuliers. Ils savent que leurs commandes seront toujours honorées, même quand la demande provenant des grands projets est très forte. Deuxièmement, la qualité de nos produits est reconnue et, enfin, nous mettons régulièrement sur le marché des produits innovants répondant aux besoins et aux attentes exprimés par nos clients.

BUSINESSMAG. Certains opérateurs du secteur estiment justement qu’au lieu de se concentrer sur les volumes, il faudrait plutôt chercher à créer de la valeur en s’appuyant sur d’autres leviers. Votre avis ?

J’approuve ! Tout miser sur une augmentation continue des volumes pour soutenir sa croissance est un pari extrêmement risqué, a fortiori dans un marché très concurrentiel. Nous n’avons, pour notre part, pas fait cette erreur. Au sein du groupe UBP, l’innovation tient une place primordiale. Que ce soit au niveau des procédés de fabrication ou des produits, nous cherchons en permanence à innover et nous nous donnons les moyens.

BUSINESSMAG. Le groupe UBP a étendu ses activités au Sri Lanka et à Madagascar. Où en sont vos opérations dans ces deux pays ?

Après plus de 15 ans d’activité au Sri Lanka et à Madagascar, force est de constater que le parcours n’a pas toujours été de tout repos. Aujourd’hui, ces deux filiales contribuent à hauteur de seulement 5 % au chiffre d’affaires du groupe (6,5 % du chiffre d’affaires du segment «core business»).

Notre filiale malgache, UBP Madagascar SARL, possédée à 100 % par UBP, opère  deux unités de concassage et de fabrication de blocs, l’une à Tananarive et l’autre à Tamatave, et emploie plus de 120 personnes. UBP Madagascar est reconnue pour la qualité de ses produits et services. Je dois d’ailleurs souligner l’excellent travail accompli par notre manager mauricien, Steve-René Paul, et son équipe composée uniquement de Malgaches. L’entreprise affiche depuis quelques années des résultats positifs, après une première décennie difficile. Sur les neuf premiers mois de l’année financière 2014/2015, le résultat avant impôts se chiffre à Rs 5,3 millions, soit une progression de 10 % par rapport à celui de l’année précédente pour la même période. Si la relative stabilité politique que le pays connaît depuis un peu plus d’un an se renforce et s’installe dans la durée, et si le gouvernement trouve les bailleurs de fonds lui permettant de mettre en œuvre les grands projets de son Plan National de Développement, alors nous pourrons nourrir des espoirs légitimes quant à notre avenir à Madagascar, car nous sommes en situation de répondre à une demande bien supérieure à celle qui prévaut actuellement.

Au Sri Lanka, la situation est moins réjouissante. Notre filiale United Granite Products Ltd (UGPL), possédée à 77 % par UBP, opère une unité de concassage à Delgoda, à environ 60 km de Colombo. Ces dernières années, UGPL a dû faire face à une longue série de problèmes administratifs, notamment au niveau de ses permis d’opération. Avec pour conséquence un fonctionnement erratique de notre unité conduisant à une réduction progressive de notre clientèle qui s’est reflétée dans nos résultats financiers.

L’espoir, au Sri Lanka, réside dans le lancement du «rocksand». Ce pays de 20 millions d’habitants ne produit pas un gramme de sable concassé. La grande majorité du sable nécessaire au secteur de la construction provient des rivières. Les autorités sri-lankaises ont récemment décidé de s’attaquer résolument à ce problème en réduisant les autorisations d’extraction et en incitant le secteur à se lancer dans la production de sable concassé. Nous pensons pouvoir capitaliser sur notre savoir-faire dans ce domaine pour prendre une part de ce marché gigantesque.

BUSINESSMAG. De manière générale, quelles sont vos ambitions régionales en Afrique et dans l’océan Indien ?

Je suis absolument convaincu que le développement du groupe à moyen terme passe par une implantation dans certains pays d’Afrique, surtout sur notre segment «core business». Notre solide expertise représente un atout considérable que nous devons utiliser. Il y a des pays d’Afrique qui connaissent actuellement une croissance forte, et qui dit croissance forte dit nécessairement forte augmentation de la demande dans le secteur de la construction. Les opportunités devraient donc se multiplier.

BUSINESSMAG. Avec Espace Maison et Gros Cailloux, vous avez aussi diversifié vos activités…

Effectivement. La création d’Espace Maison en 2002 et l’acquisition du Domaine de Gros Cailloux en 2004 s’inscrivent dans un processus de diversification cohérente initié par mon prédécesseur. Ces entités sont venues compléter l’offre initiale (matériaux de construction du «core business») par une gamme complète de produits pour l’habillage et l’aménagement de la maison (Espace Maison) et du jardin (Gros Cailloux). C’est ce que j’appelle une diversification intelligente, qui fait du groupe UBP un acteur incontournable sur le marché du bâtiment. L’intégration de Drymix, le spécialiste du mortier, comme filiale du groupe en 2010 (la part d’UBP est passée de 20 % à 51 %)  s’inscrit dans la même logique.

Le processus n’est pas terminé. Nous avons déjà en tête les prochaines étapes. Entre-temps, je m’emploierai à renforcer les synergies entre les différentes entités existantes dans le but de proposer à nos clients qui se lancent dans un projet de construction un concept de «comptoir unique».

BUSINESSMAG. En tant qu’opérateur majeur du secteur de la construction, qu’attendez-vous du gouvernement ?

Le gouvernement doit veiller à ce qu’un pourcentage significatif de projets publics d’envergure soit attribué aux compagnies mauriciennes. Nos entreprises possèdent l’expertise nécessaire pour mener à bien la très grande majorité des projets à réaliser. Leur frustration est légitime quand elles voient débarquer en force des entreprises étrangères qui viennent exécuter une grande partie des projets enclenchés, déjà qu’ils sont peu nombreux. Certaines de ces entreprises importent de leur pays d’origine absolument tout ce dont elles ont besoin et n’apportent donc aucune valeur ajoutée à l’économie locale.

}]
Tags:

You Might also Like