Yannick Meiller : «L’innovation est un moteur fondamental de l’économie»

Professeur assistant au département «Management de l’Information et des Opérations» à ESCP Europe, Campus Paris, Yannick Meiller livre un point de vue éclairant sur le lien entre innovation et économie. Le gouvernement, pense-t-il, a un rôle important à jouer pour permettre aux idées nouvelles de se développer.

BUSINESSMAG. Le présent gouvernement a pris l’initiative de créer un ministère de la Technologie, de la communication et de l’innovation. Dans quelle mesure le rôle de cette troisième composante est-il déterminant ?

L’innovation ne se décrète pas, ni ne s’impose. En revanche, elle peut être soutenue, facilitée, stimulée. À mon sens, c’est justement le rôle d’un tel ministère : permettre aux acteurs mauriciens d’innover. Cela passe par la formation – initiale et continue : il faut que les organisations mauriciennes aient les compétences nécessaires à l’innovation, qu’elles comprennent comment créer de la valeur par l’innovation, qu’elles aient connaissance des méthodes de décision et de gestion de projets innovants, qu’elles aient le réflexe d’explorer l’impact sur leur activité de tendances lourdes en matière de changement. Je veux parler ici de la numérisation de l’économie, du Big Data, de l’Internet des objets, de l’e-business, de l’économie collaborative ou encore du développement durable.

Cela peut passer aussi par le financement et le partage de risques – l’État prenant à sa charge une partie des risques de projets innovants portés par des structures inventives.

Enfin, un ministère de l’Innovation peut avoir pour mission de créer et d’animer les réseaux adéquats. Je vois deux types de réseaux particulièrement intéressants pour l’innovation. D’une part, des réseaux «horizontaux», pour permettre des partenariats et ainsi favoriser des innovations transversales à plusieurs domaines, requérant des compétences dispersées dans plusieurs entreprises, voire plusieurs secteurs. Ce type de réseaux a pour vocation de faire se rencontrer les porteurs de projets et les financeurs. D’autre part, des réseaux «verticaux», pour organiser des filières autour de quelques thèmes identifiés comme prioritaires pour Maurice.

BUSINESSMAG. Maurice ambitionne d’accéder au statut de pays à haut revenu. Comment l’innovation peut-elle l’y aider ?

L’innovation est un moteur fondamental de l’économie. Le développement de l’économie de la connaissance et la généralisation du numérique dans l’économie rendent le rôle de l’innovation encore plus présent dans la croissance économique. L’innovation est donc importante pour tous les acteurs économiques ! En outre, particulièrement de nos jours avec la place du numérique, je pense que l’innovation permet des rattrapages économiques puissants et des accélérations impressionnantes : parce que l’innovation permet de créer des gisements de croissance qui ne requièrent pas de s’appuyer sur une industrie séculaire et ne reposent pas sur des stocks de ressources naturelles.

Prenons un exemple: pour créer et mettre en œuvre des idées telles que Trip Advisor, Uber, Airbnb ou Facebook, tous les pays avec un niveau d’éducation et une infrastructure numérique corrects sont sur un pied d’égalité. En outre, l’acteur qui innove est celui qui maîtrise la trajectoire économique. Celui qui n’innove pas est condamné à réaliser ce qui lui a été commandé et se retrouve confronté à une concurrence par les prix acharnée. Celui qui innove – même sous-traitant – a d’autres arguments que le prix face à ses donneurs d’ordres et à ses prospects.

BUSINESSMAG. Quelle importance revêt l’innovation dans le monde des affaires, aujourd’hui ?

Comme nous l’avons évoqué, l’innovation est au cœur de l’économie. Aujourd’hui, dans le monde des affaires, les choses vont vite. L’avantage est qu’il y a des places à prendre ; qu’il y a de belles opportunités. Mais en contrepartie, cela implique d’avoir toujours un œil sur la prochaine étape, le prochain changement – et l’idéal est d’être celui qui crée ce changement. C’est pour cela que les entreprises doivent se structurer pour innover et pour innover régulièrement, pas seulement une fois ! En outre, être capable d’innover, c’est aussi le meilleur moyen de se protéger des changements soudains car on peut alors s’y adapter plus rapidement.