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Vision 2030: les avis divergent sur l’objectif de 100 000 emplois

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Vision 2030: les avis divergent sur l’objectif de 100 000 emplois | business-magazine.mu

Créer 100 000 emplois en à peine quatre ans, est-ce possible ? C’est la question à laquelle répondent économistes et observateurs.

Le gouvernement place la barre haut dans son plan d’action économique Vision 2030. Outre l’objectif d’atteindre une croissance de 5,5 % dans les deux prochaines années, il prévoit de créer 100 000 emplois à l’horizon 2019. Ces objectifs sont-ils réalisables compte tenu de la présente conjoncture et des soubresauts de l’économie mondiale ? Pas si sûr.

Le constat actuel est le suivant : le marché du travail reste léthargique et n’est pas en mesure de créer les emplois dont le pays a besoin pour opérer à pleine capacité. En fait, depuis 1990, l’économie mauricienne n’a pas été capable de créer suffisamment d’emplois pour accommoder l’augmentation de la main-d’œuvre, selon le Systematic Country Diagnostic de la Banque mondiale. Résultat : le taux de chômage reste élevé. Le rapport note également que les secteurs nécessitant moins d’aptitudes, connaissent des difficultés, menaçant ainsi les objectifs de croissance inclusive.

«Un objectif surréaliste»

L’ancien ministre des Finances, Rama Sithanen, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour commenter les objectifs gouvernementaux. Le pays, qui crée en moyenne 5 500 emplois par an, aura des difficultés à en créer 20 000 - 22 000 chaque année pour atteindre l’objectif fixé, que celui-ci trouve d’ailleurs «surréaliste».

L’économiste Nikhil Treeboohun, qui a bien connu le boom économique des années quatre-vingt, estime que l’exercice de communication du Premier ministre était bien rodé et que c’est important d’avoir une vision, «mais encore faut-il avoir les moyens de cette vision». Certains secteurs peineront à créer de l’emploi, estime-t-il, «c’est facile de dire des chiffres, mais encore faut-il savoir quelles politiques seront mises en place pour réaliser ces chiffres». Il faudra d’abord encourager l’investissement, et sur le plan local, cela ne sera pas une mince affaire de mobiliser l’investissement car le National savings rate est en baisse, observe Nikhil Treeboohun. Par ailleurs, attirer l’investissement étranger constitue également un défi depuis l’éclatement de l’affaire BAI dans la presse, selon notre interlocuteur, car l’image de Maurice, qui était connue comme un modèle de développement, est maintenant entachée.

De son côté, Éric Ng, économiste et directeur de PluriConseil, rejoint l’argument de Rama Sithanen. Il voit difficilement le pays se mettre subitement à créer 25 000 emplois par an. Il reconnaît qu’entre 1984 et 1989, Maurice avait été en mesure de créer environ 100 000 emplois, mais estime que cela a pu se réaliser car le pays connaissait une croissance annuelle moyenne de 7 %. «Or, avec un objectif de 5,5 %
de croissance, on ne peut pas créer 100 000 emplois
», argue l’économiste. Pour sa part, Nikhil Treeboohun indique qu’on peut aussi se retrouver avec une économie qui progresse, mais qui ne crée pas d’emploi (jobless growth). Éric Ng estime qu’il faudrait une croissance élevée de 8 à 10 % par an pendant cinq ans pour arriver à générer 100 000 emplois dans un laps de temps si court.

Pour Afsar Ebrahim, associé à BDO, une croissance de 5,5 % serait déjà, à elle seule, remarquable, mais il précise que c’est aussi une question d’adéquation entre l’offre et la demande. «Si nos entreprises se spécialisent de plus en plus dans les secteurs des Tic, du seafood ou des biotechnologies, par exemple, les universités mauriciennes devront, elles aussi, adapter les formations offertes, afin de former des employés qualifiés et aptes à travailler dans ces secteurs», souligne-t-il.

Toutefois, le fait que le Premier ministre n’a pas mentionné une seule fois la formation dans sa présentation fait tiquer certains observateurs. «La formation a brillé par son absence dans le discours», se désole Éric Ng. Afsar Ebrahim abonde dans le même sens ; même s’il est d’avis que le développement de Smart cities, du secteur manufacturier et des SME parks peut créer des emplois : «La formation est aussi et inéluctablement un pilier de notre économie et il semble primordial que le gouvernement et les institutions privées travaillent conjointement à améliorer la formation des jeunes Mauriciens. Il faudrait optimiser le savoir-faire et les compétences mauriciennes, afin de les faire correspondre à ce que les employeurs recherchent. C’est aussi une question d’adéquation entre l’offre et la demande.»

C’est sur l’industrie océanique que le gouvernement mise le plus, puisque ce secteur a été identifié pour générer à lui seul 25 000 emplois dans les quatre prochaines années. Mais pour Éric Ng, ce secteur n’en est encore qu’à ses balbutiements. «On n’a pas encore mis en place les infrastructures, le ‘capacity building’ et l’expertise technique ; l’économie bleue va prendre encore au moins cinq ans avant de se matérialiser», estime-t-il.

Quant au secteur manufacturier, dont le gouvernement veut augmenter la contribution au PIB de 18 % à 25 % en l’espace de trois ans, cela ne se fera pas du jour au lendemain également, observe l’économiste, car l’industrie devra se diversifier dans des domaines à plus forte valeur ajoutée comme la mécanique de précision, l’industrie légère ou encore l’ingénierie de précision. Des domaines qui requerront une main-d’œuvre qualifiée.

Dans des secteurs comme les Tic, la construction et les services financiers, le gouvernement ambitionne de créer 15 000 emplois. John Chung, associé à KMPG, souligne que créer 15 000 emplois dans le secteur financier est ambitieux, mais ajoute que toutes les conditions doivent être réunies pour que cela devienne réalité. Il tempère toutefois ses propos : «Le parcours sera dur et semé d’embuches, mais des opportunités vont émerger. C’est bon de placer la barre haut». Selon lui, la priorité dans le secteur financier est surtout d’éliminer les incertitudes et de clarifier la situation sur le traité fiscal avec l’Inde.

Restaurer la confiance, consolider les institutions, améliorer l’efficience dans le service civil et mobiliser la nation pour augmenter la croissance, voilà les principaux défis à relever pour permettre au pays de générer des emplois, mais comme l’a promis le Premier ministre : «We are prepared to burn the midnight oil».

Perte d’emplois dans les secteurs sucrier et textile

Le secteur agricole a perdu un tiers de ses emplois depuis 1990, plus particulièrement dans les champs de canne qui emploient des laboureurs. C’est le constat du Systematic Country Diagnostic de la Banque mondiale. S’agissant du secteur manufacturier, il a amélioré sa productivité, avec pour résultat une perte de 20 % des emplois, ces quinze dernières années. Cela se vérifie plus particulièrement dans le secteur textile. Malgré l’émergence de nouveaux créneaux comme la transformation alimentaire qui permet de créer de nouveaux emplois, «this trend is unlikely to be reversed given the restructuring of the economy and fierce international compétition», prévient la Banque mondiale dans son rapport.

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