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Contrefaçon: l’industrie du faux plombe l’économie

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Dan Bundhoo: l’infatigable bûcheur | business-magazine.mu

L’industrie souterraine de la contrefaçon prend de l’ampleur année après année à Maurice. Au nombre des tondus, les fabricants, les détenteurs de brevets et franchises, le fisc et, bien sûr, les consommateurs qui, souvent, sont trompés sur la marchandise.

La situation atteint un seuil critique. La contrefaçon représente un réel danger pour l’économie. Dans le secteur commercial, les détenteurs de franchises de produits griffés se retrouvent en concurrence avec ceux qui vendent des produits contrefaits. Ceux-ci étant à meilleur marché. Quant au fisc, il enregistre un manque à gagner significatif dans ses recettes car les dépenses des consommateurs sont injectées dans une économie parallèle. 

De l’avis de Sanjeev Ghurburrun, directeur du cabinet d’avocat Geroudis, qui entreprend régulièrement des actions au pénal et au civil contre les contrefacteurs, l’ampleur qu’a pris le piratage se ressent à l’échelle de l’économie, affectant de nombreux secteurs d’activités économiques. Il cite l’exemple du textile en incluant tous les accessoires de mode, les hardwares (matériels informatiques), la pharmaceutique, les pièces de voitures ou encore l’informatique. « Plusieurs secteurs économiques sont affectés par la contrefaçon. Par exemple, l’année dernière, la douane a saisi 24 000 fausses imprimantes », indique Sanjeev Ghurburrun.

Valeur du jour, c’est le secteur manufacturier qui semble le plus frappé par la contrefaçon. « Les chaussures, vêtements, sacs, ceintures et parfums haut de gamme sont les produits qui sont les plus contrefaits dans le secteur manufacturier », fait remarquer Sanjeev Ghurburrun. En fin d’année dernière, Geroudis a intenté sept à huit actions pénales, des saisies avec la force policière et un certain nombre d’exercices de contrôle avec la douane relativement à des activités de contrefaçon dans le domaine vestimentaire.

Les marques étrangères, installées à Maurice, sont les plus contrefaites. L’année dernière, il y a ainsi eu un nombre important de cas de contrefaçon sur les produits Ralph Lauren, Hugo Boss – les franchises de ces marques sont détenues par la compagnie Fashion Style – et Quiksilver/Roxy.
« L’année dernière, plus de 10 000 pièces contrefaites – incluant des tongs, des tee-shirts et des shorts – toutes libellées Quiksilver/Roxy, ont été saisies. La MRA nous prévient toujours dès que des produits Quiksilver/Roxy sont importés sur le sol mauricien », explique un porte-parole de la direction de Quiksilver/Roxy,

A ce jour, avec la collaboration de la douane, Quiksilver/Roxy a intenté des actions en justice contre douze importateurs de faux produits Quiksilver/Roxy.

On retrouve, par ailleurs, un nombre croissant de fabricants locaux qui font la contrefaçon de produits vestimentaires. « Ces produits contrefaits provenant de la Chine, du Pakistan et d’autres pays de l’Asie sont contrôlés par la douane et cela, dès leur arrivée sur le territoire mauricien. Mais les fabricants locaux ne sont pas régulièrement contrôlés par les autorités locales », ajoute notre interlocuteur.

Thibault de Navacelle, Marketing and Retail Manager de Fashion Style, abonde dans le même sens : « La contrefaçon au niveau local représente un gros déficit pour notre activité. Cela engendre beaucoup de problèmes d’image, de confiance. Les répercussions sont multiples. La contrefaçon réduit l’intérêt pour ces marques, mais surtout, elle diminue notre chiffre d’affaires. »

Chez Fashion Style, on ressent lourdement l’impact de la contrefaçon. La société estime que cette pratique réduit son chiffre d’affaires d’environ 30 %. A ce jour, des milliers de produits des marques Ralph Lauren et Hugo Boss ont été saisis. « Nos avocats travaillent en étroite collaboration avec les maisons mères pour essayer de limiter l’introduction et la production des produits contrefaits à Maurice. Si nos marques sont de mieux en mieux protégées sur le marché local, d’autres sont régulièrement spoliées », poursuit notre interlocuteur.

On note de plus en plus que les pratiques de contrefaçon sur les produits de fabrication locale et étrangère se font désormais à partir de Maurice. Ce qui rend le contrôle plus difficile.

« Le problème est que la culture de la contrefaçon n’a jamais été éradiquée à Maurice. Ce ne sont pas les lois contre la contrefaçon qui sont faibles, mais plutôt le support technique accordé à la protection des marques par le gouvernement. Aujourd’hui, il nous faut beaucoup plus d’initiatives pour la protection des marques par les autorités. C’est là la faiblesse de Maurice dans l’éradication de la contrefaçon locale », observe Sanjeev Ghurburrun.

Manque d’informations

Conformément à la loi, tous les magasins et les commerçants doivent disposer d’une Trade Licence. « Mais, dans bien des cas, ces licences ne sont pas rendues publiques. Pis, les municipalités n’ont pas accès à ce type d’informations. Si tel était le cas, les avocats auraient pu identifier ces fabricants qui se livrent à la contrefaçon. Il est difficile d’arrêter ces ‘pirates’ car les autorités ne possèdent pas assez d’informations », poursuit Sanjeev Ghurburrun.

La contrefaçon écorne, par ailleurs, sérieusement l’image de Maurice dans la mesure où cette industrie souterraine cible surtout les touristes. « Près de 400 000 touristes chaque année se font berner en achetant des produits contrefaits. Sur ces dix dernières années, 4 millions de touristes sont tombés dans le piège de la contrefaçon », estime Sanjeev Ghurburrun. Et d’ajouter : « Nous accueillons des touristes haut de gamme qui sont habitués à des produits originaux. Ils savent juger si un produit est contrefait ou pas. Et ils repartent avec une mauvaise image de l’île, celle d’une destination à risque, une destination de contrefaçon. »

Maurice: destination à risque

Pour Sanjeev Ghurburrun, Maurice caracole en tête de liste des destinations à risque sur la contrefaçon des produits vestimentaires. Une situation qui a un impact considérable sur le secteur touristique, surtout à l’heure où l’on cible les nouveaux riches que sont les Chinois, les Russes et les Indiens. « Ces nouveaux riches jouissent d’un fort pouvoir d’achat et sont connus pour être très dépensiers. Mais ils dépensent uniquement sur des produits originaux, des pièces uniques signées par des créateurs », souligne Sanjeev Ghurburrun.

La contrefaçon est aussi un frein à la création locale. La preuve, ils sont de plus en plus en nombreux, les créateurs, à ne plus vouloir déposer leurs produits à Maurice en raison des risques existants. La contrefaçon tue la création à petit feu. Dans la nouvelle industrie du savoir, ce facteur jouera contre nous.

Une industrie souterraine difficile à mesurer

Il est difficile de s’avancer sur le poids du marché de la contrefaçon à Maurice. Selon Sanjeev Ghurburrun, directeur de Geroudis, la contrefaçon est une industrie souterraine qui fluctue à Maurice. « S’il y a une année où l’on entreprend beaucoup d’actions contre la contrefaçon, le marché stagnera pendant un certain temps. Et puis, le trafic reprend de plus belle », soutient-il. Le marché de la contrefaçon connaît des hauts et des bas, selon les mois de l’année. Ainsi, en décembre, les produits contrefaits pullulent sur les routes, dans les marchés et certains magasins. Alors qu’en janvier, on note une baisse de l’activité des produits contrefaits.

385 672 produits saisis par la douane

Depuis 2010, le MRA Customs Department a saisi 385 672 produits suspectés d’avoir enfreint les lois de propriété intellectuelle. Les principaux produits saisis par la MRA sont des vêtements, chaussures et accessoires informatiques. En 2013, 130 détenteurs de droits ont postulé pour la protection de 268 marques contre 106 détenteurs de droits pour 242 marques en 2012. En 2012, la douane avait soupçonné 210 produits importés sur le sol mauricien d’être liés à la contrefaçon. De ce nombre, 45 étaient des produits contrefaits. 2013 connaît une hausse car 222 produits sont suspectés. Une soixantaine d’entre eux étaient effectivement contrefaits.
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