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Éducation tertiaire : Maurice, centre du savoir en devenir

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Éducation tertiaire : Maurice

Maurice peine à s’imposer comme un centre du savoir dans la région de l’océan Indien. L’absence d’une bonne stratégie se fait cependant sentir. De plus, avec les nombreuses polémiques, le secteur veut aujourd’hui faire bonne figure.

50 579 étudiants. C’est le nombre d’apprenants au sein du cycle tertiaire à l’île Maurice. Et, précise la Tertiary Education Commission (TEC), ce secteur attire également des étudiants étrangers. Ainsi, à décembre 2013, le pays avait accueilli 1 194 étudiants étran-gers. «Notre système d’éducation tertiaire attire des étudiants provenant de divers pays mais la majorité viennent de pays africains», indique une source de la TEC. Un avis partagé par le Dr. H.B Chittoo, Associate Professor, Ag. General Director de l’Université de Technologie (UTM). De ses 4 339 apprenants, l’université accueille 407 étudiants étrangers. «L’UTM abrite un nombre grandissant d’étudiants africains, qui viennent, par exemple, du Cameroun, de la Cote d’Ivoire, de la Tanzanie, de l’Ouganda, du Zimbabwe, du Botswana, de Kenya, du Malawi sans oublier l’Afrique du Sud.»

Qu’est-ce qui explique cet engouement de la part des étudiants africains pour Maurice ? En fait, l’État mauricien offre une cinquantaine de bourses aux Africains pour qu’ils poursuivent leurs études supérieures dans les universités publiques de l’île. Mais le gouvernement veut brasser plus large et compte attirer des étudiants venant de divers pays ; le but est de multiplier le nombre d’étudiants étrangers poursuivant leurs études supérieures à Maurice. Lors du Budget 2015/16, le ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, a ainsi annoncé la création de trois nouveaux campus : à Réduit, Montagne Longue et Pamplemousses.

La vision du gouvernement est de positionner l’île comme un ‘Knowledge Hub’. Dhiruj Ramluggun, Head - Training and Development Division à la Mauritius Employers’ Federation, estime que Maurice a toutes les qualités pour devenir un ‘Knowledge Hub’ dans la région de l’océan Indien. «Maurice a toutes les qualités requises pour le devenir : bilinguisme, position géographique, stabilité politique.» Le Dr. H.B Chittoo d’UTM abonde dans le même sens : «L’île pratique des coûts avantageux comparé à d’autres pays avec un meilleur coût de la vie, un bon environnement où règne la sécurité. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que l’industrie touristique à Maurice compte parmi les meilleures à Maurice, ce qui incite les étudiants étrangers à venir poursuivre leurs études à Maurice.»

Un long chemin à parcourir

C’est le même son de cloche à l’Open University, qui compte une trentaine d’étudiants étrangers. «Dans de nombreux pays africains, les gens savent que quand on parle de Maurice, c’est du sérieux. Quand un parent pense envoyer son enfant à l’étranger pour étudier, il va voir si le pays est stable et s’enquérir de la qualité de l’éducation. Et Maurice répond à ces critères de qualité», soutient le Dr Kaviraj Sharma Sukon, directeur général de l’Open University.

La volonté du gouvernement est soutenue par la TEC. «En tant que régulateur, le rôle de la TEC est de s’assurer que les institutions et la qualité des programmes dispensés sont de niveau international.» De ce fait, avec des programmes mondialement reconnus, il serait plus facile pour le pays d’encourager les étudiants étrangers à poursuivre leurs études à Maurice.

Annoncée en 2010 par l’ancien régime et adopté par l’actuel gouvernement, l’ambition de Maurice de devenir un ‘Knowledge Hub’ est-elle sur la bonne voie ? Ou encore : les atouts mentionnés sont-ils suffisants pour que Maurice soit considéré dans un futur proche comme un ‘Knowledge Hub’ ? La TEC estime que Maurice a encore un long chemin à parcourir avant qu’elle ne s’établisse comme un ‘Knowledge Hub’ : «Pour que la qualité prime, le pays doit avoir une culture de la recherche. Or, la recherche est actuellement notre faiblesse. Très peu d’institutions tertiaires y investissent ou encouragent la recherche académique.» Le problème est que les universités manquent de fonds : «La finance joue un rôle majeur dans la recherche. Faute de fonds, les universités hésitent à s’y aventurer.» Un point que soulève également le Dr. H. B Chittoo, qui rappelle que l’UTM a un budget annuel de Rs 10 M par an : «Il s’agit d’un budget opérationnel et capital. Si nous avions le même budget que les autres universités publiques à Maurice, nous aurions pu investir davantage dans de nouveaux programmes à haute valeur ajoutée, entamer des partenariats stratégiques, attirer davantage d’étudiants étrangers mais aussi retenir les étudiants mauriciens.»

Pour se hisser au rang de ‘Knowledge Hub’, l’île doit abriter un certain nombre de grandes universités internationales, parmi les mieux plébiscitées au monde. Mais Maurice compte-t-elle suffisamment de ‘brands’ internationaux dans ce domaine ? La TEC répond qu’elle reçoit des demandes de la part des universités étrangères pour s’installer à Maurice, «mais c’est difficile de dire si c’est beaucoup ou peu.»

Dhiruj Ramluggun de la MEF professe que pour attirer les universités étrangères, il est impératif de parler des infrastructures. «Le souci à Maurice, c’est que nous pensons uniquement en termes de structures. Mais c’est toute une infrastructure qui doit être prise en considération si nous voulons attirer les universités étrangères à Maurice.»

Il poursuit en arguant qu’il est grand temps de se pencher sur la question du logement mais aussi sur le travail à temps partiel. «Il faut leur proposer du travail à temps partiel, comme cela se fait à l’étranger. À l’extérieur, les étudiants travaillent 20 heures par semaine mais à Maurice, tout est fermé à 18 heures. Sinon, à 20 heures, il n’y a plus de bus.» Dhiruj Ramluggun soutient que pour devenir un ‘Knowledge Hub’, tous ces aspects doivent être pris en considération.

Promouvoir l’île comme un centre du savoir

Un avis qui est entièrement partagé par la TEC ; celle-ci avance que le problème de logement «est une piste à améliorer à Maurice. Néanmoins, des promoteurs y ont pensé, à l’instar de Medine Group qui a fait provision pour le logement dans son Education Village.» La TEC constate qu’aujourd’hui très peu d’étrangers connaissent Maurice comme une destination pour des études tertiaires mais l’île est davantage plébiscitée comme une destination touristique de premier ordre. «Pour y arriver, on doit faire davantage d’efforts afin de résoudre les problèmes se rapportant au logement, au transport public et aérien, aux activités récréatives, au ‘night-life’ sans oublier la reconnaissance des diplômes, le marketing de Maurice comme un centre du savoir. Il ne faut pas oublier que les étudiants étrangers ont des ‘high expectations’ et il est de notre devoir de nous assurer que les services que nous leur procurons répondent à leurs attentes.»

La TEC fait part que le travail a déjà commencé. Ainsi, le secteur œuvre à encourager les ‘brand names’ à s’établir à Maurice. Dans ce contexte, la TEC cite l’exemple du Charles Telfair Institute qui a bien progressé et du Medine Education Village, qui sera le premier village éducatif à faire venir des ‘top universities’ telles que la Grande École de Nantes pour des cours de génie et de Paris II pour des cours en droit.

Pour le Dr. H.B Chittoo, la meilleure formule consiste à attirer les universités étrangères à Maurice à travers des partenariats. «Il faudrait intéresser les universités étrangères à s’allier avec les universités présentes à Maurice. À l’UTM, nous aurions souhaité avoir des partenariats avec les meilleures universités en Angleterre, aux États-Unis, en France et en Allemagne.» Kaviraj Sharma Sukon suggère, en ce qui concerne le logement, que le gouvernement vienne de l’avant avec des foyers estudiantins. «Les familles mauriciennes pourraient de plus ouvrir leurs portes aux  étudiants étrangers, comme cela se fait en Angleterre et dans d’autres pays européens.»

Un autre problème qui pèse sur Maurice a trait à la polémique autour du D.Y. Patil Medical College et de l’EIILM University, entre autres. Bien que cela n’ait pas terni l’image de Maurice en tant que destination d’éducation tertiaire, l’île a plutôt souffert d’une mauvaise publicité. Faire bonne figure, c’est ainsi l’objectif à atteindre dans ce milieu. «Si nous voulons être reconnus comme un centre du savoir dans l’océan Indien, il nous faut éviter tous les faux pas», conseille Dhiruj Ramluggun. Un point que soutient le Dr. H. B. Chittoo :  «Ce sont certes des sujets à controverse. Aujourd’hui, il nous faut trouver des solutions afin de ne pas à nouveau souffrir d’une mauvaise publicité.»

Les deux intervenants privilégient le renforcement de certains critères. «Certes, les institutions étrangères qui s’installent à Maurice augmentent les IDE mais il ne faudrait pas que cela le soit à n’importe quel prix ; il faudrait une bonne coordination, un ‘background check’.»

Le but de ce ‘background check’ est de s’assurer que toutes les informations fournies par les universités étrangères sont réelles. «C’est un travail qui doit être fait par les autorités. En d’autres mots, la TEC devra s’assurer que toutes les informations sont ‘genuine’ puisque c’est elle qui a le rôle du régulateur. Le Board of Investment (BoI) pourra alors venir de l’avant avec des propositions. Mais l’autorité qui va donner les permis est bel et bien la TEC.»

Pas de stratégie définie pour le ‘Knowledge Hub’

Il s’interroge sur le véritable rôle de la TEC. Pour cette dernière, ces incidents n’ont en aucun cas affecté Maurice en tant que destination d’éducation tertiaire car le pays attire toujours des étudiants étrangers. Mais elle assure que tous les investisseurs étrangers dans le domaine de l’éducation tertiaire respectent le cadre légal établi.

Le Dr. H. B. Chittoo estime que l’arrivée des universités étrangères favorise la concurrence, ce qui va à l’encontre du concept même de ‘Knowledge Hub’. Un avis partagé par Dhiruj Ramluggun de la MEF. «Au lieu d’être complémentaires, nous constatons que les universités sont en situation de concurrence. Presque toutes les universités à Maurice proposent des cours en marketing, en management, entre autres. Mais le but est de proposer un large choix de formations.» À l’UTM, le concept de ‘Knowledge Hub’ ne se résume pas au nombre d’universités. «Trop d’universités peut conduire à une compétition malsaine, et donc un déclin en qualité d’études tertiaires ; c’est également un faux pas à éviter !»

Tous ces faux pas émanent de l’absence d’une bonne stratégie concernant cette vision. «Ce qui nous amène à la conclusion qu’il n’y a pas de stratégie bien définie pour le ‘Knowledge Hub’», estime Dhiruj Ramluggun. Celui-ci fait ressortir que le secteur public n’a jusqu’à présent présenté aucune stratégie concernant leur participation dans cette vision de faire de Maurice un ‘Knowledge Hub’. «Prenons l’exemple de Medine Group avec son projet de Medine Education Village. Aujourd’hui, quand vous voyez le résultat, vous savez que derrière il y a toute une stratégie, voire un master plan.» Et de conclure que la stratégie du secteur privé dans ce domaine est mieux définie que celle du gouvernement.

Retrouvez cet article dans son intégralité dans Business Magazine.

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