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Interview Rencontre

Afsar Ebrahim (Deputy Managing Director de BDO) « Notre secteur financier doit développer une offre unique »

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Afsar Ebrahim (Deputy Managing Director de BDO) « Notre secteur financier doit développer une offre unique » | business-magazine.mu

Le Deputy Managing Director de BDO fait le diagnostic de l’économie mauricienne. Pour Afsar Ebrahim, il faut qu’on améliore notre climat des affaires et revoit tout l’aspect de réglementation de notre secteur des services pour que nous devenions une destination unique au regard des investisseurs.

BUSINESSMAG. La croissance tournera finalement autour de 3,2 % en 2012. Compte tenu de la fragilisation du tourisme et de notre secteur d’exportation, peut-on dire que nous sommes en danger ?

Le mot « danger » est à mon sens un peu fort. Soyons pragmatiques ! Je dirais plutôt que les indicateurs clignotent. Le principal problème de l’économie mauricienne demeure dans le fait que la crise sur nos principaux marchés perdure beaucoup plus longtemps que nous ne l’avions pensé.

Cela dit, il nous faut considérer comment, en interne, nous pouvons améliorer la compétitivité du pays. Nous ne pouvons forcer la demande que ce soit pour nos produits financiers, touristiques ou textiles. Nous sommes tributaires de la situation sur nos principaux marchés.

Nous devons agir sur plusieurs plans. D’abord, il nous faut créer un climat de confiance au sein de l’économie. Dans ce processus, nous devons améliorer le feel good factor et revoir tout le mécanisme sur la facilitation des affaires. Valeur du jour, l’obtention des permis de développement est une étape fastidieuse et qui fait fuir les investisseurs.

En interne, nous avons des défis à relever sur des questions relevant notamment de l’amélioration de la compétitivité et de la connectivité logistique avec l’Afrique. Il faut aussi résoudre le problème de l’accès aérien, de la fourniture d’eau et de l’énergie.

Grosso modo, pour pallier aux difficultés sur nos principaux marchés, il nous faut miser sur tout l’aspect du « supply side ».Nous avons, par ailleurs, besoin d’une monnaie compétitive tout en veillant de près à l’inflation.

BUSINESSMAG. La voie monétaire est-elle le meilleur recours pour éponger les dettes des opérateurs économiques ? Quels sont les autres instruments que nous avons à notre disposition ?

Il n’y a pas que le coût de l’emprunt qu’il faut prendre en considération, mais aussi l’inflation et l’épargne. Le Monetary Policy Committee fonctionne en toute indépendance et c’est une très bonne chose.

La politique monétaire n’est qu’un instrument dans tout le mécanisme à notre disposition pour permettre la restructuration des dettes. Pour sortir de l’endettement, la meilleure solution qui s’offre aux entreprises est le « deliveraging ».

Autrement dit, on injecte des capitaux propres dans l’entreprise pour éponger ses dettes. L’emprunt n’est pas la meilleure solution, comme l’on a tendance à le croire. L’option de la dette n’est, en fait, qu’une partie d’un package d’instruments financiers pour restructurer une entreprise en difficulté.

« Pour sortir de l’endettement, la meilleure solution qui s’offre aux entreprises est le « deliveraging ». Autrement dit, on injecte des capitaux propres dans l’entreprise pour éponger ses dettes. »

BUSINESSMAG. Injecter des fonds propres dans une entreprise en difficulté, n’est-ce pas risqué ?

Si les actionnaires eux-mêmes ne croient pas dans leurs entreprises ou dans leurs produits et services, alors qui le fera ? Il faut que le promoteur trouve lui-même le moyen de sortir son entreprise de l’endettement.

Cela dit, les fonds propres peuvent être apportés par des partenaires financiers. Ou bien l’Etat peut participer à ce « burden sharing », comme cela s’est fait à travers le Stimulus Package. Mais c’est avant tout à l’actionnaire principal de faire des efforts.

BUSINESSMAG. Face au pessimisme qui mine le moral des entrepreneurs et à la détérioration du climat des affaires, le secteur privé s’attend à ce que le Budget soit l’occasion, pour le gouvernement, d’élaborer une politique économique dynamique. Quelles doivent en être les composantes ?

Il n’est jamais bon de se laisser aller au pessimisme. Cela dit, de quoi a-t-on besoin dans le Budget ? D’abord, il convient de faciliter le climat des affaires. Faire des affaires doit être un plaisir. Qu’on en fasse un mantra !

Il est important que la politique économique soit beaucoup plus un « Business Enabler ». Je suis pour une collaboration plus étroite entre l’Etat et le secteur privé. Il est crucial que chacun comprenne le point de vue de l’autre.

On ne doit pas se mettre des bâtons dans les roues. Je me réfère, ici, à cette bureaucratie contreproductive qui n’est pas propice au climat des affaires. Il faut faire attention car de potentiels investisseurs pourraient bien se tourner vers d’autres destinations plus « Business Friendly ».

Le cadre réglementaire est aujourd’hui un élément majeur dans la compétitivité d’une nation. Si le cadre n’est pas très bien huilé, il pourrait devenir difficile de faire des affaires à Maurice.

BUSINESSMAG. Côté investissement, nous stagnons à 22,8 % du PIB. A-t-on les moyens, à travers l’amélioration de notre climat des affaires, de booster nos investissements pour atteindre une croissance plus forte ?

Il faut comprendre que lorsqu’on aborde la problématique de l’investissement, il y a un variable important qui entre en jeu. C’est la visibilité. Pour tout investisseur, la question à se poser est : « Est-ce que j’ai une bonne visibilité sur le marché et dans le pays où je vais faire des affaires ? » Ce que l’investisseur recherche avant tout, c’est une visibilité sur le long terme.

Concrètement, je dirais qu’il y a certains secteurs à Maurice où l’on peut très bien améliorer notre visibilité au regard des investisseurs. Je pense ici notamment au secteur manufacturier où notre contribution au PIB est descendue autour de 17 %.

Nous devons mettre les moyens nécessaires en oeuvre pour faire grimper la contribution du secteur manufacturier au PIB jusqu’à 20 %. Pour avoir une croissance durable, il est essentiel qu’on s’appuie sur une base industrielle solide. C’est le cas, par exemple, de la Suisse où le secteur manufacturier contribue à plus de 20 % de la richesse nationale.

Le Seafood et l’externalisation (BPO) sont d’autres secteurs porteurs en termes d’investissement. Là encore, il faut que tous les partenaires se concertent pour voir comment faciliter la perspective de faire des affaires dans ces industries. En mettant, par exemple, les facilités de transport adéquates, on peut réduire les coûts dans les entreprises du BPO et favoriser un système de travail 24 / 7.

BUSINESSMAG. La bonne nouvelle demeure la solide performance du secteur financier, de l’industrie des Tic et de l’immobilier. Quelle importance voyez-vous prendre le secteur des services dans les années à venir ?

Notre secteur des services est relativement jeune. Il peut s’accroître à condition qu’on ne subisse pas de secousses majeures. Il nous faut proposer une plus large panoplie de services et mettre en place un cadre réglementaire qui nous donne un avantage compétitif.

Jusqu’ici, on a fait du copier-coller en répliquant des modèles outre-mer. Ce dont nous avons réellement besoin, c’est d’un Unique Selling Proposition (USP).

On a déjà eu, par le passé, un tel USP avec notre accord de non double imposition fiscale avec l’Inde. Il nous faut être différents et développer d’autres USP en matière de réglementation.

BUSINESSMAG. Bien qu’on en évoque l’urgence année après année, l’ouverture du ciel tarde à se matérialiser. Peut-on se permettre de continuer à tergiverser ?

Il s’agit d’une décision cruciale et qui est à la fois très sensible et très compliquée. Il y a une grande demande de la part des opérateurs hôteliers qu’on ne peut omettre.

Il faudrait qu’on mène une étude professionnelle, indépendante et fiable sur la question et, dans le processus, prendre en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, y compris Air Mauritius.

BUSINESSMAG. L’Afrique et les BRICS sont perçus comme les nouveaux moteurs de croissance. Mais la communauté des affaires éprouve toujours des réticences à diversifier ses opérations vers ces territoires. Doit-on croire en ce modèle de développement sud-sud qu’on nous fait miroiter ?

C’est avant tout une question d’éducation et de confiance qui graduellement va venir. Disons-le franchement : les Mauriciens n’aiment pas aller travailler en Afrique. Ils sont nombreux qui préfèreraient travailler en Europe comme Clerical Officer plutôt que d’évoluer comme General Manager en Afrique.

Tant que les mentalités n’évolueront pas dans le bon sens, on ne gagnera jamais le pari de la régionalisation. Pourtant, les opportunités sont énormes en Afrique.

 

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