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Interview Rencontre

Laurent Garnier: «Les entreprises françaises emploient plus de 13 000 salariés à Maurice»

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Laurent Garnier: «Les entreprises françaises emploient plus de 13 000 salariés à Maurice» | business-magazine.mu

La relation économique entre la France et Maurice est bien ancrée, observe Laurent Garnier, l'ambassadeur de France à Maurice. Dans l’entretien qui suit, l’ambassadeur de France à Maurice fait un état des lieux de la coopération entre les deux pays et balise la voie à suivre.

BUSINESSMAG. Comment ont évolué les relations France-Maurice ces dernières années ?

Sur le plan économique, les relations entre la France et Maurice restent très solides. Au niveau des échanges commerciaux, avec un volume cumulé de 612 millions d’euros en 2014, la France demeure le troisième partenaire commercial de Maurice. La France était le deuxième client de Maurice (279 millions d’euros), après le Royaume-Uni et son troisième fournisseur (333 millions d’euros), après l’Inde et la Chine. Je note la grande stabilité, au cours des dernières années, des volumes échangés entre nos deux pays, gage d’une relation économique bien ancrée.

Au niveau des investissements, il y a incontestablement un certain déséquilibre, puisque les IDE (investissements directs étrangers) français à Maurice continuent à se développer, alors que les investissements mauriciens en France restent timides. En 2014, la France était le premier pays investisseur en flux. En nombre d’implantations, la France est aussi – et de loin – en première position avec près de 140 filiales ou joint-ventures. Les investisseurs sont principalement des PME, dont un quart sont originaires de La Réunion. Les entreprises françaises, présentes principalement dans des activités de services (Tic, commerce et distribution, hôtellerie…), emploient directement plus de 13 000 salariés à Maurice.

BUSINESSMAG. Qu’en est-il du dossier Tromelin, qui reste une question épineuse ?

Nos deux pays cherchent une voie originale pour surmonter ce différend territorial. Cette voie a été tracée par un accord sur la cogestion économique, scientifique et environnementale relative à l’île de Tromelin, signé en 2010 et toujours en attente d’une ratification par l’Assemblée nationale française.

BUSINESSMAG. L’Inde et la Chine (et d’autres pays asiatiques, à l’instar de la Corée et du Japon) opèrent une montée en puissance depuis ces dernières années dans l’océan Indien et l’Afrique. Comment va se positionner la France dans la région face à ces géants économiques ?

La France est tout à fait consciente de cette évolution des rapports de force économiques en Afrique et nos grandes entreprises ou même nos ETI (entreprises de taille intermédiaire) sont prêtes à envisager des accords de partenariat avec des sociétés originaires de ces pays pour aborder certains marchés africains. Mais les entreprises françaises n’ont pas l’intention de se replier dans cette zone de forte croissance ; bien au contraire. Elles ont des atouts qui plaident en leur faveur, notamment leur connaissance des marchés, leur savoir-faire et l’environnement francophone.

BUSINESSMAG. Est-il possible de mettre en place une coopération triangulaire France-Maurice-Afrique en optimisant sur le positionnement de Maurice comme une plateforme d’investissement vers l’Afrique ?

Rien ne s’oppose à une telle coopération triangulaire, à l’image de l’investissement conjoint réalisé en 2000 en Tanzanie dans une exploitation sucrière par l’entreprise mauricienne Alteo, la société réunionnaise Quartier Français et Tereos. D’autres partenariats devraient pouvoir se développer vers certains pays d’Afrique, notamment anglophones, avec lesquels Maurice entretient des relations de plus en plus fructueuses.

Lors de son voyage à Paris, le ministre des Finances a d’ailleurs mis en avant ces possibilités de coopération, en proposant aux investisseurs français de participer au développement de zones économiques spéciales en Afrique à partir de véhicules mauriciens.

Dans le domaine stratégique de la formation supérieure et de la recherche, des initiatives se mettent en place avec des institutions françaises haut de gamme qui ont choisi de s’implanter à Maurice, en s’appuyant sur ses spécificités politiques, économiques, culturelles et linguistiques, pour développer une offre d’excellence bilingue dans la région. À cet égard, le projet ICSIA (International Campus for Sustainable and Innovative Africa), porté par le groupe Medine et un consortium de grandes universités et écoles françaises (ESSEC, Centrale, Paris Descartes, Paris Assas, Ferrandi et ISIT), me semble prometteur pour l’attractivité de Maurice dans la zone de l’Afrique australe et de l’océan Indien, avec des premiers bachelors et masters qui devraient s’ouvrir dès l’année prochaine.

BUSINESSMAG. Qu’en est-il de la coopération Maurice - Réunion ? À quels niveaux peut-elle se faire et dans quels secteurs Maurice peut-il bénéficier de l’expertise réunionnaise ?

La récente visite à La Réunion du ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, lui a permis de constater l’avancée technologique en matière d’énergies renouvelables, des Tic ou d’agriculture raisonnée. On pourrait aussi citer la gestion des déchets et de l’eau. Il n’y a rien d’anormal, l’île de la Réunion bénéficie des moyens et de l’excellence de la recherche et de l’innovation françaises.

Dans un environnement de plus en plus compétitif, les savoir-faire industriels développés par La Réunion devraient pouvoir intéresser les opérateurs économiques mauriciens. Le secteur privé a d’ailleurs bien compris ces complémentarités. La création récente d’une plateforme Maurice-Réunion entre le Club Export, l’ADIR et le JEC a notamment pour objectif de créer une offre commune d’expertises, de services et de produits exportables à terme vers les marchés émergents. La plateforme complète utilement les échanges existants entre les deux îles à travers les rencontres du développement durable, dont la quatrième édition se tiendra à Maurice en novembre 2015 sur le thème du «Développement durable et des smart cities».

Dans les domaines des industries culturelles, de l’éducation, de la formation supérieure, du droit et de la recherche, scientifique, la coopération entre Maurice et La Réunion est également dynamique, les échanges sont nombreux et les projets conjoints se multiplient.

Cette coopération en amont, c’est-à-dire au stade de la formation et de la recherche est importante pour l’avenir de la relation entre nos deux îles. L’astrophysique, la mécanique des fluides, la météorologie, l’océanographie, les énergies solaire et éolienne, les relations internationales, la santé, l’agronomie, le droit civil et maritime sont des domaines de coopération déjà actifs entre l’Université de La Réunion et les universités de Maurice, La Réunion profitant également de l’expertise mauricienne.

BUSINESSMAG. L’Agence Française de Développement est le premier bailleur de fonds bilatéral de Maurice. À combien s’élèvent les engagements totaux à Maurice en faveur du gouvernement et du secteur privé ?

À ce jour, les engagements de l’Agence Française de Développement (AFD) sont de 433 millions d’euros (environ Rs 17 milliards), dont 330 millions d’euros pour le secteur public et 103 millions d’euros pour le secteur privé, ce qui est conséquent. Un prêt de 27 millions d’euros vient d’être signé à Paris lors de la visite du ministre des Finances. Il concerne la modernisation de la manutention portuaire. La part du secteur privé et du secteur public non souverain devrait être amenée à augmenter dans les futurs engagements de l’Agence, compte tenu de l’objectif de limitation de la dette publique prévue par la loi mauricienne. Les priorités de l’AFD continueront à être orientées vers les infrastructures, les investissements productifs et le développement durable, ce dernier périmètre étant très large puisqu’il va de l’énergie aux transports en passant par l’agriculture.

BUSINESSMAG. Quel bilan faites-vous de votre mandat depuis votre arrivée à Maurice, en octobre 2013 ? Avez-vous pu concrétiser vos objectifs ?

Je ne suis pas encore à l’heure du bilan, mais certains des objectifs que je m’étais fixé ont d’ores et déjà bien progressé. En matière économique, j’ai souhaité renforcer les contacts avec les acteurs économiques mauriciens privés et publics, afin d’identifier les partenariats possibles. J’accorde une priorité au dialogue et aux visites de terrain pour comprendre et soutenir les projets des entreprises françaises ou des entreprises mauriciennes qui ont un lien avec la France.

Ma deuxième priorité concerne le rapprochement avec La Réunion dans tous les domaines de coopération. La France, parmi les partenaires de Maurice, est son plus proche voisin et un pays engagé dans cette partie de l’océan indien. J’ai fait plusieurs déplacements à La Réunion et j’incite toujours, lorsque je le crois utile, les responsables réunionnais et mauriciens à se rencontrer. Le réflexe est désormais mieux installé, mais il faut encore faciliter les échanges ; nous y travaillons.

Enfin, la coopération éducative et universitaire est un autre motif de satisfaction. Le nombre d’étudiants accueillis par la France est en hausse, mais surtout nous accompagnons la montée en puissance du secteur universitaire à Maurice, à travers de nombreux partenariats avec les universités du pays et le soutien au projet emblématique de Medine.

BUSINESSMAG. Quel regard portez-vous sur les récents scandales financiers qui ont éclaboussé l’image de Maurice, et comment sont-ils perçus en France ?

Je ne suis pas sûr que l’image de Maurice ait été à ce point éclaboussée. Il y a eu récemment un article élogieux sur Maurice dans l’hebdomadaire français Le Point, les affaires récentes n’y sont qu’évoquées. Ce qui est important pour Maurice, c’est de conserver sa place dans les classements internationaux sur l’environnement des affaires ou la transparence et de garder la confiance des institutions financières internationales.

BUSINESSMAG. Peut-on connaître vos commentaires sur le trafic du Subutex entre la France et Maurice, qui implique des ressortissants français ? Cette substance, interdite chez nous, est parfaitement légale en France. Quelle est votre position sur le sujet ?

Les ressortissants français sont désormais mieux informés sur le statut du Subutex à Maurice et on constate une diminution des prises. Cette substance est considérée comme un médicament de substitution en France, délivré uniquement sur prescription médicale. Il n’y a donc pas d’accès libre et le transport de fortes quantités de Subutex a toujours pour origine un trafic, contre lequel la police française lutte avec succès puisque des réseaux ont été démantelés.

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