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Les enjeux de la muséologie

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Les enjeux de la muséologie | business-magazine.mu

Plus enclins à résoudre des problèmes économiques d’apparence plus importants, les décideurs politiques ont souvent eu tendance, jusqu’ici, à sous-estimer les facteurs culturels du développement, s’en tenant à l’équipement, aux infrastructures de base : eau, routes, hôpitaux…

Sans relancer le vieux débat tranché entre marxistes et weberiens, il va de soi que l’évolution des mentalités et le facteur culturel jouent un rôle beaucoup plus important que celui prévu par les économistes planificateurs des années soixante (…) De leur dynamisme peut ressortir une prise de conscience des enjeux nationaux, de leur politique culturelle volontaire et réfléchie peuvent émerger des facteurs de stabilité sociale et d’initiative économique d’unité.

Musées et démocratie

Le musée est, par définition, une institution populaire dont la vocation même est de viser l’ensemble de la population d’un pays ou d’une région, et même un public international en proposant des programmes ou des visites ciblés. Au sein des relations internationales, les musées sont des relais importants dans la diffusion d’idées ou de politiques prônées par les institutions internationales du type Unesco, Icom ou Icomos.

En ce qui concerne l’océan Indien, exception faite de l’île de la Réunion et de quelques institutions privées le plus souvent liées au tourisme, ces institutions culturelles reposent presque toutes sur le principe de la gratuité d’accès, totale ou partielle. Leur raison d’être les rend essentiels à la réalisation de tout projet de développement impliquant la population(…)

Par les savoirs acquis à leur fréquentation, les musées sont initiateurs d’évolutions durables des mentalités, ils occasionnent beaucoup plus de réflexion sur un thème donné et ancrent d’autant mieux leur visite dans la mémoire (…).

En ce qui concerne le tourisme, le musée est un peu la vitrine d’un pays, le lieu par excellence de présentation des richesses patrimoniales locales au sens le plus large du terme. Le musée a un rôle complémentaire à jouer dès aujourd’hui, en offrant une visite enrichie lors d’un séjour touristique.

Toujours dans le cadre d’une évolution vers plus de démocratie, la plupart des institutions muséales de la région ne possèdent pas d’Association des Amis de Musée, ce qui paraît symptomatique.

Outre le fait que ces associations peuvent être des sources utiles de financement ou d’acquisitions, de bénévolat ou d’aides diverses, de publications, il va de soi que par le fait qu’elles sont créées par la population et sont indépendantes des pouvoirs en place, elles seraient des outils incontournables dans le processus nécessaire d’autonomisation des musées. Elle contribue également à responsabiliser les populations quant à leur patrimoine. Il est évident que plusieurs concordances d’intérêts intellectuels permettent dès aujourd’hui, pourvu qu’on sache les prendre en compte, de dessiner, de définir un pôle culturel régional.

Ferments culturels vivants

L’insularité paraît être une des données fondamentales qui relie tous les pays de la zone. Pour ne prendre qu’un exemple, la musique, omniprésente dans ces pays, est un évident point commun, maloya, séga, moutia, autant de ferments culturels vivants et liés entre eux qui parsèment les îles. Tous ces thèmes communs ne sont pourtant que virtuels : pas de « Maison de la langue créole », lieu d’oralité et d’Histoire des langues, pas de « Maison du séga », autant de potentialités nombreuses et susceptibles de concerner plusieurs îles de l’océan Indien.

Fort de ce qui vient d’être esquissé, des instances régionales devraient pouvoir être échafaudées. L’Association des Musées de l’océan Indien étant pluridisciplinaire ne s’avère pas convenir parfaitement aux attentes des musées de la région, c’est un euphémisme. Association des Musées d’Histoire Naturelle de l’océan Indien, Association des musées d’Art de l’océan Indien, Association des musées d’Histoire de l’Océan Indien, autant d’organisations qui devraient absolument voir le jour et fédérer des professionnalismes pour l’instant dispersés.

Le manque d’ouverture sur l’extérieur et le manque de démocratie dans l’administration des musées publics ont abouti à une véritable catastrophe culturelle où des collections de toutes sortes (tableaux de valeur, collections d’Histoire naturelle…) sont méprisées et malmenées, inutilisées parfois, ce qui est contraire à la vocation même d’une muséologie digne de ce nom. Parfois aussi, de belles occasions de création de nouveaux musées ne sont pas même prises en compte, alors que leur réalisation serait des plus simples et absolument pas coûteuses.

Les endroits de notre Capitale ne manquent pas où pourraient s’ouvrir de telles institutions, véritables pépinières de sens, compensant par une muséalisation progressive, la perte insupportable d’intimité culturelle due au changement de rythme de notre époque. Pas étonnant, si rien n’est fait, que les populations risquent de perdre leurs repères identitaires et s’en remettent de plus en plus à tout ce qui peut pallier, de manière illusoire, ce manque, de manière sectaire, violente, ou communautariste, c’est-à-dire exclusive de l’altérité.

À Maurice, il n’existe pas réellement d’exception culturelle, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays. Lorsqu’un musée privé se voit traité comme un grand hôtel et taxé dans les mêmes termes. Pour ne parler que de celui là, le Blue Penny Museum se doit de payer plus de Rs 800 000 de taxes diverses chaque année, pour un chiffre d’affaires inférieur à Rs 5 millions ! Cela fait réfléchir…

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