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Bernard Yen : «Le système de pension est une bombe à retardement»

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Le Budget 2023-2024 fait une provision additionnelle pour la Basic Retirement Pension. Cela se traduira par une hausse des dépenses entre Rs 3,4 milliards et Rs 4 milliards par an au cours des dix prochaines années. D’un autre côté, les «CSG Allowances» coûteront désormais un montant supplémentaire stupéfiant de Rs 4 milliards par an à partir de la prochaine année financière. De l’avis de Bernard Yen, actuaire et Managing Director d’Aon Solutions, ce sera difficile pour l’État de soutenir ce coût à moins d’augmenter les impôts. Dans l’entretien qui suit, il commente la problématique de la soutenabilité de la pension et la réforme fiscale, entre autres thèmes

Le Budget 2023-2024 veut créer les conditions pour favoriser une solide croissance de 8 %du PIB. Cet objectif est-il réalisable ?

L’objectif est toujours réalisable, mais ce n’est pas à cause du Budget. En réalité, le gouvernement est là pour créer les conditions favorables aux entreprises ; donc, la croissance c’est à nous de travailler pour cela. Aussi, il ne faut pas oublier que nous venons de rebondir d’une crise ; c’est pour cela qu’aujourd’hui la croissance est forte. Mais nous ne sommes pas encore à un niveau pré-pandémique. Pouvons- nous atteindre 8 % de croissance ? Je pense que c’est réalisable, mais ce sera surtout grâce au travail de tout un chacun.

Rejoindriez-vous le secteur privé qui trouve que ce Budget représente un bon équilibre entre l’économie, le social et le développement durable ?

Je ne suis pas sûr. Car j’estime qu’il n’y a pas assez de mesures pour l’économie. Le sociala été favorisé ; j’ai quelques appréhensions quand on fait trop de social. Laissez-moi développer ma pensée. Je suis plutôt convaincu qu’il faut encourager les gens à travailler plus dur ; je suis un partisan de la méritocratie. J’ai un peu peur que si on donne trop d’assistance, cela va tuer l’entreprise. Par exemple, je suis bien content pour les gens qui vont recevoir Rs 15 000, mais il ne faut pas oublier que certains employés touchaient Rs 15 500. Je pense que cette situation aurades conséquences. Par exemple, cela pourra faire sentir à ceux qui gagnaient Rs 15 500 que leurtravail n’est pas valorisé.

Le salaire est déterminé par le marché. Cela veut dire que si une personne touche Rs 12 000 ou Rs 13 000 par rapport à une autre personne qui perçoit Rs 15 000 ou Rs 16 000, c’est plus ou moins le marché qui a décidé que c’est comme cela car il y a un peu plus de valeur apportée par celui qui touche un peu plus. On avait été en présence de ce même argument quand on a introduit le salaire minimum. Il y avait des syndicalistes qui disaient qu’il fallait revoir toute l’échelle de salaires parce qu’il fallait revaloriser aussi ceux qui étaient au bas. Donc, tout cela peut créer d’autres pressions. D’un autre côté, la nature humaine fait que quand on assiste un peu plus, on arrête de faire des efforts.

Idéalement quand on donne une assistance, il faut que ce soit gradué. On ne doit pas venircontredire les autres éléments dans le système. Quelqu’un qui touchait Rs 12 000 se retrouvesoudain avec Rs 15 000 et rattrape celui qui gagnait Rs 15 000. Donc, celui qui a Rs 15 000 se retrouve avec rien de plus. Peut-être que cela aurait été mieux de ne pas donner autant d’un côté et donner un peu à celui qui touche Rs 15 000. On sait qu’il n’y a pas de formule magique, mais j’ai un peu peur qu’avec ces assistances, on vient créer des incompatibilités avec le reste du système. Cela peut avoir comme conséquence la démotivation des employés.

Il y a un équilibre à faire entre l’assistance pour ceux qui sont les plus vulnérables et l’assistanceuniverselle. De manière générale, d’autres observateurs l’ont aussi dit : cet argent aurait pu être mieux utilisé et l’exemple typique, c’est la pension de vieillesse.

L’un des grands axes de ce Budget, c’est la réforme fiscale avec l’introduction d’un système d’impôt progressif et l’abolition du Solidarity Levy. Comment cette réforme va-t-elle profiter aux affaires et améliorer l’attractivité de Maurice comme une destination d’investissement ?

Effectivement, cela peut rendre Maurice plus attractif. Vous n’êtes pas sans savoir que le Solidarity Levy présentait des problèmes. Le Solidarity Levy s’appliquait aussi aux dividendes et je sais que beaucoup de personnes étaient contre le principe de taxer les dividendes. Mais personnellement, je trouve qu’il n’y a pas assez de taxe sur la fortune à Maurice. Quelque part, le Solidarity Levy était vu comme un élément d’impôt sur la fortune, mais il a été aboli. C’est tant mieux pour attirer les investisseurs étrangers ou encore les expatriés qui trouvent que la fiscalité légère à Maurice est attractive. D’autre part, cela n’équivaut pas à un système socialiste que le gouvernement veut imposer parce qu’il y avait une certaine somme d’argent qui émanait du Solidarity Levy ; le manque à gagner s’élève à quelque Rs 3 milliards. C’est dommage parce que les moyens sont limités.

Selon le ministère des Finances, le taux marginal d’imposition sera ramené de 40 à 20 % avec la nouvelle formule. Comment arrive-t-on à ce calcul ?

Avec le Solidarity Levy, le taux maximum d’imposition de l’Income tax était de 15 % et le Solidarity Levy à partir d’un certain plafond commençait à 25 %. C’est-à-dire que tout revenu supplémentaire au-delà de ce plafond était taxé à 25 %. En additionnant 15 % et 25 %, cela donne 40 %. Ainsi, pour chaque roupie additionnelle qu’une personne perçoit au-delà d’un certain seuil, elle paye 40 %. C’était cela qui passait mal car les investisseurs étrangers, les expatriés qui viennent chez nous disent que Maurice vend une fiscalité de 15 %, mais en réalité c’est 40 %. Maintenant, avec la nouvelle formule, chaque roupie qu’une personne perçoit au-delà d’un certain seuil – disons au-delà de Rs 200 000 mensuellement – elle va payer 20 % de cela en termes d’impôt, pas 40 %. C’est cela l’élément intéressant avec cette nouvelle formule. Parce que pour un expatrié, s’il paie déjà 40 % dans son pays, pourquoi devrait-il venir à Maurice pour payer la même chose ?

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