Type to search

En couverture

Externalisation: l’éveil de Madagascar inquiète les opérateurs

Share

Les opérateurs du BPO sont sur le qui-vive. Après plusieurs années difficiles où leur compétitivité s’est graduellement effritée, ils craignent cette fois-ci que la relance de l’économie malgache pousse les investisseurs à se tourner vers la Grande île.

Avec le retour à l’ordre constitutionnel à Madagascar et l’invitation de son président, Hery Rajaonarimampianina, aux étrangers à venir investir dans la Grande île, Maurice doit faire preuve de vigilance. C’est surtout dans le domaine de l’externalisation (Business Process Outsourcing – BPO) que Madagascar pourrait devenir un sérieux concurrent pour Maurice.

Même si le secteur est encore à son stade embryonnaire à Madagascar, les opérateurs à Maurice avancent que la Grande île pourrait devenir l’un de nos concurrents les plus sérieux dans ce domaine. « Après les élections à Madagascar, l’île se construit graduellement et a comme ambition de se positionner comme une destination du BPO », souligne Roshan Seetohul, vice-président de l’Outsourcing and Telecommunications Association of Mauritius (OTAM) et Vice-President – Corporate Affairs d’Euro CRM. Il a eu récemment l’occasion de rencontrer le nouveau ministre des Tic malgache, Neypatraiky André Rakotomamonjy. « J’ai rencontré Neypatraiky André Rakotomamonjy qui était en visite à Maurice.Nous avons longuement parlé sur le secteur du BPO à Madagascar. Une chose est sûre : le gouvernement malgache a la ferme intention de se faire un nom dans ce secteur. Le pays a tous les atouts pour réussir dans ce domaine. Alors, gare à l’éveil de Madagascar ! »

Dans un récent entretien accordé à Business Magazine, Charles Cartier, président de l’OTAM et Country General Manager de TNT Business Solutions, mettait en garde contre la menace que pourrait présenter Madagascar pour le secteur du BPO mauricien. Il estimait que le plus gros défi de ce secteur est la concurrence internationale provenant des pays en voie de développement, à l’instar de la Grande île.

Coûts d’opération plus faibles

Quels sont ces avantages ou plutôt ces « atouts » qui pourraient inciter les investisseurs dans les Tic-BPO à quitter Maurice pour s’implanter à Madagascar ? Tassarajen Pillay-Chedumbrum, ministre des Technologies de l’information et de la communication, explique que le marché malgache propose des coûts inférieurs en comparaison avec ceux pratiqués par Maurice. Un point de vue que partage Charles Cartier qui fait ressortir qu’« au niveau des coûts, nous sommes en perte de compétitivité graduelle. Les prix des prestations livrées dans ces pays en voie de développement sont en constante baisse alors que nos entreprises sont confrontées à des coûts croissants. »

À son avis, la situation monétaire à Maurice avec un taux directeur à 4,65 % pourrait encourager les investisseurs à se tourner vers Madagascar. Le président de l’OTAM avance qu’il ne faut surtout pas oublier que « la définition même du BPO est de s’externaliser afin de réduire les coûts opérationnels. » D’où sa demande pour une baisse drastique du taux repo de 2 %, ce qui provoquerait une dépréciation de la roupie. « Ces entreprises BPO s’implantent à Maurice car nous coûtons moins cher que les autres destinations. Mais aujourd’hui nous avons une roupie bien trop forte », fait-il remarquer. Cernant toute l’importance et le potentiel du secteur BPO pour le développement économique de Madagascar, les autorités malgaches prônent un faible ariary – la monnaie malgache – pour encourager l’investissement étranger, notamment dans le secteur du BPO.

Roshan Seetohul plaide également pour une roupie compétitive. « Une roupie forte n’a jamais été favorable à notre secteur.Déjà, quelques années de cela, lorsque l’euro était descendu à Rs 37-Rs 38, le secteur avait grandement souffert. Mais heureusement après, la roupie s’est vite stabilisée, ce qui a redonné confiance aux investisseurs », argue-t-il.

Main-d’oeuvre abondante

Et Charles Cartier de renchérir qu’en raison de la valeur de la roupie, des entreprises et des clients préfèrent délocaliser certaines de leurs activités vers d’autres pays où les monnaies ne sont pas fortes : « Avec la stabilité politique qui se dessine à Madagascar, beaucoup d’acteurs dans ce secteur se penchent sur la possibilité de délocaliser certaines de leurs activités hors du territoire mauricien. »

Avis que partage Roshan Seetohul qui ajoute que les entreprises étrangères vont comparer le coût de faire du business à Maurice avec ce qui se pratique dans les autres destinations concurrentes avant de délocaliser leurs opérations. « Nous n’offrons plus les mêmes avantages en termes monétaires qu’il y a quelques années.Il faut impérativement que nous ne perdions pas notre avantage comparatif », insiste-t-il.

L’autre avantage de la Grande île sur Maurice est sans conteste son large bassin de main-d’œuvre. L’équation se complique pour Maurice quand on sait que ces trois dernières années, le secteur du BPO fait face à un manque de main-d’œuvre qualifiée. Il se voit dans l’obligation d’avoir recours à une main-d’œuvre étrangère qui coûte cher. D’autres opérateurs soutiennent que le facteur le plus important pour cette industrie est le talent. Il faut que nous en disposions en qualité et en quantité. Maurice doit produire des talents afin que nous nous retrouvions dans une situation où l’offre dépasse la demande, et non l’inverse soutient un opérateur.

Pour la main-d’œuvre, l’offre doit effectivement dépasser la demande afin de permettre aux entreprises de se développer. La croissance des entreprises du BPO a été freinée en raison du manque de ressources disponibles sur le marché. Avec une main-d’œuvre abondante, les salaires seront plus stables, ce qui maintiendra la compétitivité de Maurice.

De son côté, avec une population de plus de 22 millions d’habitants (contre 1,3 million pour Maurice), Madagascar dispose d’un bassin de main-d’œuvre significatif à bon marché qui renforce son attrait au regard des investisseurs évoluant dans les Tic-BPO.

Par ailleurs, étant un pays francophone, Madagascar reste très proche du marché français et des investisseurs francophones. Ce qui fait dire à Charles Cartier que « pour le marché francophone, nos principaux concurrents sont Madagascar et les pays du Maghreb. »

Ainsi, si des mesures ne sont pas rapidement prises par les autorités locales pour rendre ce secteur plus attrayant et compétitif, Madagascar s’imposera d’ici à quelques années comme un sérieux concurrent pour Maurice plus particulièrement sur le marché francophone.

}]
Tags:

You Might also Like