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Gunter Pauli : «Vous gagnerez plus avec la bagasse que ce que vous gagnez avec le sucre»

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Gunter Pauli : «Vous gagnerez plus avec la bagasse que ce que vous gagnez avec le sucre» | business-magazine.mu

L’année dernière, vous avez lancé «Soyons aussi intelligents que la Nature!» à Maurice et avez animé des sessions de travail avec les acteurs clés du secteur privé. Vous annonciez alors que vous ne parlerez qu’au moment où des projets concrets sortiraient de terre…

Je crois que le temps est venu pour qu’on passe de l’analyse des opportunités, de la surprise des opportunités, à l’action. Pour moi, c’est très important. Je suis venu avec des membres de mon équipe, un réseau de scientifiques et un réseau d’entrepreneurs.

Et grâce à la visite de cette semaine (NdlR : du 5 au 8 mars), nous avons plusieurs points de départ concrets. Je suis venu avec un professeur de l’Université de la Polytechnique du terrain, aujourd’hui un des centres mondiaux des dessins des systèmes. Il vient de démontrer, qu’en prenant une petite ville de 24 000 habitants, on peut, en quelques années, augmenter le chiffre d’affaires des petites et moyennes entreprises de 4 millions à 16 millions d’euros.

Dans une ère où l’on croit que la PME n’a pas vraiment de futur, on démontre que ce n’est pas vrai, à condition toutefois de commencer à intégrer des activités. Le but de l’économie, c’est de créer des plus-values. Des activités peuvent se développer grâce à la collaboration à l’intérieur d’un territoire. Le territoire se traduit en PME et je dirais que le territoire d’un grand groupe comme IBL, par exemple, se traduit en collaborations entre entreprises du groupe. Ainsi, il s’agit, et pour la grande entreprise et pour la petite, d’une opportunité de voir les liens entre les différentes activités.

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Quelles sont les actions concrètes que nous pouvons mettre en œuvre à Maurice ?

Quand je fais l’analyse macroéconomique de Maurice, je constate qu’il y a quatre tonnes de champignons importées à un prix qui rend impossible l’accès à tout le monde. C’est un produit alimentaire exclusif alors qu’il est bon pour la santé. Donc, nous avons envoyé une scientifique, Ivanka Milenkovic. En arrivant, elle s’est exclamée : «Vous parlez de champignon, mais vous voyez toute la bagasse dont vous disposez ?» Avec la bagasse, nous pouvons monter une entreprise productrice de champignon demain, à quatre tonnes la semaine.

Aujourd’hui, seuls 25 grammes de champignons sont consommés par personne par an à Maurice. On peut facilement prévoir que cette consommation se développera à 500 grammes, voire 600 grammes. Mais cela veut dire que les quatre tonnes de champignons se transformeront en 100 tonnes, un volume qui laisser envisager des plus-values intéressantes en termes d’exportations, notamment. Et à côté du frais, on pourra avoir des produits dérivés végétariens à base de champignon, comme des hamburgers, des saucissons et des soupes.

Ainsi, il y a une opportunité de développer, non seulement le marché mais aussi toute la palette de la nourriture mauricienne, en garantissant une meilleure santé. C’est autour de cela qu’il faut regarder les différentes opportunités. Vous avez des milliers de tonnes de bagasse et il y a de multiples opportunités. Mais, bien entendu, un produit seul ne peut pas changer l’économie.

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Quelles sont les autres pistes de transformation de l’économie ?

Ivanka Milenkovic cherchait d’autres ingrédients pour le développement de la production de champignons. Et nous avons appris que Maurice interdit l’importation de poulet pour favoriser la production locale. Cela voudrait dire qu’il y a disponibilité de déchets de poulet. Pour Ivanka Milenkovic, la combinaison de la bagasse et des déchets de poulet permettra une bonne production de champignons frais sur l’île. Et je viens de visiter une usine fermée où Ivanka Milenkovic pourrait démarrer un projet concret pour développer le champignon.

Donc, deux voies se développent. D’un côté, pour la bonne santé des Mauriciens, on peut disposer de nourriture, comme le champignon, sans sucre, sans acides gras saturés et sans cholestérol. Et grâce au fait d’avoir des milliers de tonnes de bagasse, vous pourriez aussi faire de la nourriture pour les poules. Celles-ci sont élevées localement mais leur nourriture est importée. 

On importe le soja et le maïs, qui contiennent des OGM, et cela coûte cher. Les poules ne mangent pas de bagasse traditionnellement.

Mais si on fait un traitement de la bagasse avec d’autres types de champignons non comestibles, on peut la transformer en aminoacides essentiels. Et on peut immédiatement remplacer 50 % de la nourriture importée avec de la nourriture locale. On arrive ainsi à une conclusion fascinante : vous gagnerez plus avec la bagasse que ce que vous gagnez avec le sucre. Ça, c’est la transformation de l’économie mauricienne, une vraie transformation !

Quel volume de production peut-on espérer réaliser pour que le champignon arrive à devancer le sucre ?

Je passe maintenant au typique dessein avec lequel je travaille : je cherche à faire beaucoup plus avec ce que la nature m’offre. La nature m’offre la canne à sucre et la bagasse. Si cette bagasse de canne devient bio, j’aurais, avec une tonne de bagasse, pas 200 kilos mais 400 kilos de champignons. Alors, contrairement à ce qu’on croit, que tout ce qui est bio est plus cher, dans ce cas-ci, si le sucre est cultivé de façon bio, le double de champignon pousserait là-dessus.

Alors, je peux soumettre une question intéressante aux investisseurs : souhaitezvous avoir moins de productivité de sucre parce que c’est bio ou est-ce que vous accepteriez une diminution de productivité mais de doubler la productivité de champignon ? Le calcul est simple à faire. Le champignon se vend beaucoup plus cher que le sucre. Si on passe de 220 euros à 500 ou 800 euros, on changera de dialogue et la décision est facile à prendre. Mais cela veut dire que nous changeons le contexte de développement économique de l’île, car, maintenant, on parle de bio, de nourriture saine, d’une productivité élevée et d’un chiffre d’affaires élevé avec moins de personnel.

Donc vous changez le contexte de l’innovation. L’innovation ne viendra pas forcément de grandes évolutions technologiques, mais on aura une poule plus nutritive, une nourriture saine et un usage de la bagasse et une transformation sur de multiples domaines. Tout est connecté et je peux commencer à changer l’économie du territoire.

Pensez-vous que cette transition peut s’opérer rapidement et sans résistance ?

Dans l’innovation, il faut construire la confiance. Quand quelqu’un arrive avec des idées hors du raisonnable, qu’on ne connaissait pas, on lui demande de voir les résultats chez soi. Il n’y a pas de bagasse jusqu’à juin, mais on va déguster les champignons d’ici à juillet. On va faire les installations entre-temps.

Les champignons seront cultivés dans des serres, des constructions nouvelles ?

Fidèle à la philosophie de l’économie bleue, on utilise ce qu’on a à disposition. Le pays est en train de partir de l’économie du sucre, et il y a tant de structure qui sont fermées à Maurice alors qu’elles réunissent les conditions extraordinaires de gestion d’air et de température et de luminosité. J’observe et je trouve des fours pour sécher, des produits en inox et des installations facilement. Ce sont des stranded assets de l’immobilier qui ne sont pas exploités.

Quelles variétés de champignon seront cultivées ?

Le champignon blanc ? Le champignon blanc est le plus connu. Mais on visera différents types de champignons. On travaillera avec un entrepreneur qui a déjà installé plus de 500 exploitations de champignons sur différents sites. Il y a des entrepreneurs qui se sont lancés, mais passer de cinq kilos à mille kilos par jour, cela nécessite de l’expertise et de l’organisation. L’économie de Maurice a toujours pensé en grand, en volume, que ce soit dans le textile ou dans le sucre. Dans votre ADN, vous pensez en tonnes, pas en kilos. Et pour atteindre du volume dans le créneau du champignon, on peut penser à une association de quatre ou cinq entrepreneurs.

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