Type to search

Autres Entreprendre

Abandon du sac en plastique : le marché des alternatives s’active

Share
Abandon du sac en plastique : le marché des alternatives s’active | business-magazine.mu

Les sacs en plastique ne pourront plus être utilisés à Maurice à compter du 1er janvier 2016, comme annoncé dans le Budget 2015-2016. Cela dans un souci de préservation de l’environnement. L’impact de cette décision se fait sentir à plusieurs niveaux et les secteurs public et privé s’attellent activement à façonner le marché des alternatives.

Verra-t-on une île Maurice entièrement débarrassée du plastique sous toutes ses formes dans quelques années ? Si tel pourra difficilement être le cas, les autorités feront en sorte que les sacs en plastique ne puissent plus être utilisés dès le 1er janvier 2016. Mais, là encore, le ministre de l’Environnement, Raj Dayal, aurait modéré ses propos dans sa réponse à l’interpellation du député de l’Opposition, Adil Ameer Meea, le mardi 6 avril dernier : «Il se pourrait que dans certains cas, en considérant des critères d’hygiène, exception sera faite pour continuer d’utiliser le plastique.» Durant la même séance parlementaire, le ministre a chiffré son utilisation à 300 millions de sacs en plastique chaque année à Maurice.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle action est préconisée. Le ministère de l’Environnement indique que l’ancien gouvernement aurait déjà tenté d’initier des actions dans le cadre du programme Maurice Ile Durable, en 2003 et 2013. La problématique récurrente tient dans la spécification de ce qui est prohibé. Interdire l’utilisation de sacs d’une certaine dimension et dotés de manches a poussé les fabricants à changer quelques paramètres dans leur production pour contourner l’interdit. «Les mesures appliquées en 2003 permettaient aux producteurs de produits en plastique d’approvisionner le marché avec des sacs dégradables, et non pas biodégradables. Cela ne faisait qu’accentuer une pollution invisible. Le fait que les sacs devenaient poussière dans les déchetteries ne faisait qu’aggraver le problème», constate Sanjeev Beechoo Operations Manager d’Eco-Logic.

«Le gouvernement actuel semble déterminé, et le processus de mise en place de l’interdiction des sacs en plastique sera déterminant. Des mesures correctives seront nécessaires, mais le gouvernement doit rester concentré avec l’intention première de faire de Maurice une île verte. Je crois que cette initiative ne fonctionnera que si nous, les Mauriciens, apprenons à être et devenons des citoyens plus soucieux de notre environnement», soutient Mario Ah Tiane, directeur d’Ecostar.

Si la conscientisation publique est nécessaire pour le succès de la mesure, certaines pratiques sont déjà admises par la majorité dans le sens du développement durable. «Les sacs de caisses sont en général réutilisés plusieurs fois et finissent leur vie comme sacs-poubelle. On ne les voit pas dans les rues», concède Nicolas Merven, Chief Operating Officer de la chaîne de grandes surfaces Winner’s. Une prise de position récurrente chez les opérateurs approchés qui en soulignent la double utilité.

Il y a toutefois un bémol : des petits acteurs de rue qui encouragent une surconsommation du sac plastique. «Le ‘shopping bag’ payant engage davantage le consommateur et n’est par conséquent plus jeté dans la rue. Le problème reste les foires et les bazars où les sacs sont distribués gratuitement en abondance, faisant de ces lieux de véritables dépotoirs», dénonce Nicolas Merven. Il s’agit, dit-il, de «mieux contrôler les petits producteurs et de les enregistrer en tant que tels pour avoir une meilleure idée de l’état du secteur, de leur production et de leur distribution

Les PME les plus  affectées

Le ministère de l’Environnement travaille en étroite collaboration avec la Chambre de Commerce et d’Industrie (MCCI) et espère venir de l’avant avec une proposition de loi détaillée d’ici à la fin du mois de juillet. La MCCI a tenu une réunion à cet effet avec les diverses entreprises de l’industrie et du commerce pour une séance de remue-méninges en avril dernier. «Nous avons évoqué l’utilisation de sacs en amidon 100 % compostables, par exemple, mais il n’y a pas de prestataires positionnés dans ce créneau à Maurice. Le problème reste le coût et la disponibilité de la matière première, ainsi que la dégradation rapide du sac. Tout cela fait l’objet de discussions avec le ministère», intervient Nicolas Merven. La stratégie des autorités est actuellement en cours de finalisation. Elle s’articule autour d’étapes market driven qui comprennent une campagne agressive et un accompagnement des entreprises affectées par la mesure, entre autres.

Cependant, au niveau du secteur de la plasturgie, si les gros opérateurs sont moins affectés, les conséquences sont lourdes pour les plus petits. «Avec l’expérience, nous avons su voir venir et avons diversifié nos activités au fil du temps. Nous sommes, par exemple, engagés dans la production d’emballages flexibles pour l’agroalimentaire. Les sacs en plastique ne constituent que 3 % de notre production. La mise en place de cette mesure budgétaire ne devrait pas fortement impacter nos opérations. Les petites entreprises encore concentrées sur les produits plastiques basiques, comme les sacs de foire et les rouleaux, seront en difficulté cependant», reconnaît Sunil Chetty, directeur général de Plaspak.

D’autres prestataires ont adopté une attitude écoresponsable pour répondre aux critères internationaux. «D’une part, pour la fabrication de nos lunettes, nous utilisons une matière première brevetée par le créateur de Plastinax : le Grilamid TR 90, un polyamide amorphe contenant des hydrocarbures, comme tous les plastiques, mais surtout 58 % d’huile de ricin, un composant d’origine végétale. D’autre part, nous utilisons 20 tonnes de plastique par an pour 3 % de rejets et 10 % de rebus lors de la fabrication des montures. Au total, 13 % de déchets donc, que nous recyclons à hauteur de 20 % pour de nouvelles injections. Nos fournisseurs travaillent aussi en ce moment à stabiliser la proportion d’huile végétale dans le Grilamid à 70 %», détaille Nicholas Park, directeur général de Plastinax Austral. Le Grilamid serait aussi préconisé pour des applications dans les domaines de l’électronique, de l’électrique et de l’automobile, pour les applications domestiques et l’ingénierie mécanique.

Les solutions du passé pour assurer l’avenir

Malgré des efforts de la SMEDA pour rassurer les entreprises impliquées dans la production de sacs en plastique, des tensions se font sentir et l’impact de l’annonce de l’arrêt du sac en plastique sur les PME est immédiat. «L’avenir est sombre pour nous car tous nos clients sont soucieux et effrayés. La plupart des PME produisent des sacs pour de petites entreprises et petits porteurs. Les grosses compagnies ne prennent pas des commandes de 5 000 sacs, par exemple, des petits commerces. L’annonce de cette mesure du Budget 2015-2016 a déjà un impact négatif car elle décourage les investisseurs», relève Ved Ramlall, directeur de Ved Plastics. Selon lui, la plupart des PME engagées dans le secteur sont des entreprises familiales. Le ministère de l’Environnement parle, quant à lui, d’une centaine de salariés concernés.

Le ministère de l’Environnement considère différents angles, n’hésitant pas à mettre à contribution d’autres ministères. Ainsi, dans le sillage de la journée de l’Environnement, un événement a été organisé par le ministère de la Femme et de l’égalité des genres, le 18 juin, autour des Eco-Friendly Substitutes for Plastic Bags, au National Women Development Centre de Phoenix.

Lors de cette journée, le ministère de l’Environnement a lancé sa campagne de sensibilisation en intervenant sur l’impact du plastique sur l’environnement et le National Women Entrepreneur Council (NWEC) est intervenu pour présenter les possibilités et alternatives à un auditoire composé de plus de 200 femmes, incluant une trentaine d’entrepreneurs de la NWEC. Une démonstration a alors eu lieu sur l’élaboration de sacs en toile et le ministère de l’Égalité des genres a aussi mentionné un Special Collaborative Programme pour financer les projets dans le sillage de l’initiative.

Alors que les regards sont tournés vers l’avenir et les nouvelles perspectives, d’autres n’hésitent pas à puiser dans le passé pour trouver des solutions. «Nous devons trouver des moyens de promouvoir les produits mauriciens, par exemple les ‘tentes bazar’ et les ‘tentes vacoas’ qui sont fabriquées par des artisans locaux, créant de l’emploi et une source de revenus pour plusieurs familles», suggère Sanjeev Beechoo d’Eco-Logic.

Panique, incertitude et appréhension gagnent donc les plus petits prestataires de ce secteur, dont certains ont investi dans des études spécialisées pour la génération à venir. «Nous nous sentons trahis et mis de côté par le nouveau gouvernement», concède Ved Ramlall. Sunil Chetty prône, pour sa part, la modération plutôt qu’une prise de position radicale : «Une vie sans plastique n’est pas possible de nos jours. Les autorités gagneraient à réguler davantage le secteur. Il faudrait qu’elles se donnent les moyens de monitorer et d’intervenir efficacement en ce sens».

}]
Tags:

You Might also Like