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Le marché des changes affiche la morosité

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Confronté à la crise économique, le marché des changes subit un ralentissement. La baisse des marges et le ralentissement dans le commerce et le tourisme notamment ont rendu le secteur hyper compétitif. Tour d’horizon.

Chaque année, le marché forex connaît des périodes de moindre activité comme les mois de février, de juin et de septembre, pendant lesquels il y a moins de touristes dans le pays et / ou moins d’importations, explique un opérateur. Les autres mois étant plus propices aux affaires, avec notamment l’entrée de recettes touristiques, qui s’accentue pendant la période de fin d’année.

Ces derniers mois surtout, le niveau du business a baissé considérablement à Maurice, et cela représente une tendance inquiétante pour les opérateurs de change, qui attribuent dans une large mesure cette baisse au ralentissement économique : « Thomas Cook travaille beaucoup avec les petites et moyennes entreprises. Et lorsque ces dernières ont des difficultés, nous aussi nous en sommes affectés. Elles prennent moins de devises pour payer leurs importations et leurs exportations ; donc c’est clair que leurs affaires marchent moins bien », note Shakeel Dyall, Chief Operating Officer de Thomas Cook (Mauritius).

« L’économie mondiale connaît des moments difficiles et automatiquement cela nous affecte. Même les touristes qui venaient séjourner à Maurice tous les ans, viennent moins souvent à cause de la récession », constate un opérateur. En effet, outre le ralentissement dans le secteur corporatif, la morosité dans l’industrie touristique est un des principaux facteurs qui affectent le marché. « Auparavant, le plus gros apport en devises étrangères provenait du secteur touristique. Aujourd’hui, avec les packages ‘All Inclusive’ qui tendent à se répandre, les touristes sortent de moins en moins des hôtels et donc dépensent moins. Le nombre de touristes augmente, mais très peu. Les dépenses moyennes des visiteurs sont en baisse égalementet font que nous générons moins de cash », constateShakeel Dyall. Un autre opérateur ajoute que les touristes baissent en gamme et dépensent bien moins qu’avant : « Autrefois nous avions des touristes qui n’hésitaient pas à sortir, à dépenser dans les souvenirs, les activités de loisirs. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, les visiteurs rechignent à la dépense. »

Le commerce traditionnel au ralenti

Même dans le secteur du commerce traditionnel – surtout les petits commerces –, les opérateurs notent un certain ralentissement. Et comme leurs besoins d’importations ont baissé, ils utilisent moins de devises. Tout cela fait que le marché est devenu hyper compétitif, d’autant plus qu’il est restreint et qu’il y a un grand nombre d’opérateurs.

Aujourd’hui, la compétition est plus féroce, note un agent de change. Il y a, d’une part, les banques et, d’autre part, les Forex dealers et Money changers, qui opèrent tous trois sur le même marché : « La compétition a mis plus de joueurs sur le marché. Il y a aujourd’hui non seulement plus de banques sur le marché mais plus d’opérateurs de change également. » Un autre opérateur, qui préfère garder l’anonymat, trouve, lui, que « le marché mauricien du change ne s’est pas développé comme on le pensait.On nous avait dit qu’on allait avoir beaucoup de touristes. Le gouvernement avait même annoncé 2 millions de touristes en 2015, il y a quelques années – c’était en 2005 si je ne me trompe pas – or que voit-on aujourd’hui ? Le pays peine encore à attirer même un million de touristes… »

Un autre facteur qui affecte le marché, c’est l’ampleur que prend l’utilisation des cartes bancaires par les touristes mais aussi par les autres étrangers qui séjournent au pays pour affaires. « Les directeurs de compagnies offshore, par exemple, qui viennent à Maurice pour participer à des réunions et board meetings, dépensent généralement beaucoup d’argent à Maurice. Mais ils préfèrent souvent utiliser leurs cartes de crédit ;cela représente moins de transactions sur le marché des changes et il y a moins de mouvements de billets qu’avant », constate Shakeel Dyall.

Marge réduite sur les taux de change

À ce stade, il convient d’ouvrir un chapitre sur la réglementation, notamment concernant la marge imposée par la Banque de Maurice sur la profitabilité depuis début 2013. En effet, la BoM a demandé aux établissements de change et bancaires de réduire à 3 % et 4 % leur marge sur leurs taux de change indicatifs pour les trois principales devises en ce qui concerne, respectivement, les virements télégraphiques et les mouvements de billets. Selon les autorités, cette initiative a contribué à atténuer la volatilité des taux de change et à maintenir la stabilité des prix et la stabilité financière. Elle visait également à rendre les taux pratiqués par les opérateurs de change à Maurice plus compétitifs.

Toutefois, cette nouvelle réglementation n’a pas été sans conséquence sur la situation financière des opérateurs du forexdont la profitabilité a été réduite.« Nos marges sont désormais très restreintes », résume l’un d’eux.S’il reconnaît que les taux pratiqués sont désormais plus compétitifs « et qu’à la fin de la journée, c’est le client qui en bénéficie », il précise que cette démarche a asphyxié la profitabilité dans le secteur. Un autre n’hésite pas à suggérerque le régulateur porte ce seuil à 6 % pour permettre aux opérateurs de mieux respirer financièrement. « Définitivement, notre profit a baissé car dans cette marge de 3 %, il nous faut nous battre pour survivre, et finalement on ne gagne que 1 % à 1,5 % de profit. Avec cela, cen’est pas évident de couvrir nos frais de paiement de salaires, de location de bureaux, de transport, d’assurances, etc. », observe un autre opérateur. Tous ces facteurs font que le marché est devenu très compétitif aujourd’hui.

Par ailleurs, les opérateurs estiment que la roupie a été stable sur l’année écoulée, malgré la volatilité entre l’euro et le dollar. « La volatilité sur le marché international n’a pas eu la même ampleur à Maurice. Heureusement, parce que la Banque centrale veille à ce qu’il n’y ait pas de fluctuation trop importante parce que n’importe quel mouvement de l’une ou l’autre devise affectera notre économie. La BoM empêche la roupie de bouger de manière trop irrationnelle par rapport aux fluctuations entre l’euro et le dollar sur le marché international », rappelle Shakeel Dyall.

La majeure partie des importations se font en dollar, etsi le dollar s’apprécie fortement, cela peut avoir un impact négatifsur les opérateurs – tout comme une baisse de l’euro pourrait avoir un impact négatif sur l’économie. Mais de manière générale, les opérateurs estiment que la Banque de Maurice est intervenue régulièrement sur le marché des changes ces derniers mois, ce qui aide à garder un certain équilibre.

Atténuer l’excès de volatilité

En fait, si l’on analyse la situation depuis ces trois dernières années, la Banque de Maurice est, par moments, intervenue sur le marché des changes afin d’atténuer l’excès de volatilité. En conséquence, le classement du régime de change de Maurice est passé de facto de ‘librement flottant’ à ‘flottant’. En juin 2012, la Banque de Maurice a lancé un programme de reconstitution des réserves de fonctionnement (Open Reserves Reconstitution Program) afin d’augmenter ses réserves de change de manière qu’elles puissent couvrir six mois d’importations. Les autorités estimaient que Maurice, en tant que petite économie ouverte, était exposée à des risques accrus suite à la crise de la zone euro, et qu’elle devait accumuler des réserves pour mieux se prémuni rcontre les chocs extérieurs.

Par ailleurs, les Swaps de devises ont été introduits en décembre 2009 pour aider les exportateurs à limiter le risque de change. Ces Currency swaps (d’une période de maturité d’un à trois mois) sont destinés à apporter plus de liquidité au marché et sont désormais accessibles deux fois par semaine : le lundi et le mercredi. En juin 2010, la Banque de Maurice a commencé à permettre au plus gros acheteur de devises sur le plan local – soit la State Trading Corporation – d’acquérir toutes les devises nécessaires au paiement des importations de produits alimentaires et produits pétroliers.

Comment va évoluer la situation sur le marché des changes dans les prochains mois ? Shakeel Dyall estimequ’il attend une reprise dans les activités économiques « à tous les niveaux », soits’agissant du secteur corporate, des PME et du secteur touristique : « Lorsqu’on regarde les grandes compagnies du Top 100, on s’aperçoit que beaucoup d’entre elles font des profits surtout en dehors de Maurice. La contribution de Maurice à leur profitabilité tend à baisser. Tant qu’il n’y aura pas de reprise, il n’y aura pas de grand développement dans le pays. Tout est lié à la consommation car les PME dépendent d’elle pour écouler leurs produits. »

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