Type to search

Interview Rencontre

Dan Maraye : «La récolte de 2016 dépendra de la qualité des semences de 2015»

Share
Dan Maraye : «La récolte de 2016 dépendra de la qualité des semences de 2015» | business-magazine.mu

L’ancien Gouverneur de la Banque de Maurice attend du gouvernement qu’il respecte ses engagements pris dans le discours-programme. Face à la volatilité de l’économie mondiale, Dan Maraye plaide pour une approche prudente.

BUSINESSMAG. La croissance n’a été que de 3,4 % en 2015, alors que certains prévoyaient qu’on atteindrait enfin la barre de 4 %. Comment évaluez-vous cette performance ?

Pour tout mettre en perspective, il faut remonter à décembre 2014 avec les promesses très encourageantes de changement pour une île Maurice meilleure par le gouvernement. L’Alliance Lepep, fraîchement élue, avait créé un Feel good factor palpable.

L’année 2015 a débuté avec des engagements formels à travers le discours-programme du président de la République suivi du premier Budget du gouvernement. Malheureusement pour le pays, les paroles n’ont pas été suivies par des actions concordantes. La déception est grande, surtout pour ceux dont la philosophie repose sur les principes de bonne gouvernance et de chances égales pour tous. Par ailleurs, les gaffes commises par la délégation mauricienne en Inde au sujet de l’accord de non-double imposition fiscale ont créé une plaie béante dans le secteur financier. Au fil des mois, les nuages dans ce secteur n’ont fait que s’épaissir, à partir des déclarations irresponsables et l’excès de zèle de certains ministres.

L’amateurisme de la gestion de l’affaire BAI et les tâtonnements de certains ministres ont largement contribué à une performance bien en deçà des attentes des Mauriciens. Toutefois, le pays a bénéficié de la baisse constante du cours du baril de pétrole et le secteur touristique a évolué d’une façon positive et prometteuse.

BUSINESSMAG. Pour cette année, les autorités parlent de récolte et de redécollage...

Tout bon patriote souhaite que les prévisions des autorités se concrétisent en 2016 surtout quand on parle de récolte et de redécollage.

Il faut cependant être réaliste et tirer des leçons du passé. Les séquelles de la tempête récoltée à partir des semences de l’ancien gouvernement se font toujours sentir et la découverte d’autres squelettes ne surprendrait personne. Il faut aussi compter sur le vent que certains ministres de l’actuel gouvernement ont semé. Donc, la récolte de 2016 sera faite suivant la qualité des semences de 2015. C’est clair qu’il y aura du bon et du mauvais. L’important est de nous préparer à faire face à des retombées négatives résultant des mauvaises décisions prises ou encore de l’absence de certaines décisions concrètes en 2015.

La volatilité des économies à travers le monde réclame beaucoup de prudence. D’abord, la majeure partie de nos exportations est dirigée vers l’Europe. Autrement dit, l’état de santé de l’économie européenne a un impact direct sur l’économie nationale. Ces dernières années, la valeur de l’euro a pris une pente descendante. Les risques d’un Brexit sont réels et une telle éventualité accentuerait la perte de valeur de l’euro. Nos industries exportatrices devraient se préparer à un tel scénario.

De l’autre côté de l’Atlantique, la Réserve fédérale américaine a signalé la courbe ascendante que prendra le taux d’intérêt aux États-Unis. Le dollar se raffermira davantage en 2016. Notre roupie a déjà perdu 12 % de sa valeur vis-à-vis du dollar durant l’année écoulée. Nos importations sont payées en majeure partie en dollar et nous importons presque le double de ce que nous exportons. Il faut nous préparer à gérer une telle situation de façon cohérente et sans tâtonnement.

Venons-en au secteur financier. Nous avons vécu récemment la faillite d’un système de Self-regulation aux États-Unis et en Europe. Je comprends mal comment les régulateurs concernés peuvent laisser la liberté aux institutions financières de décider elles-mêmes du ratio dépôts/prêts en devises étrangères. Cela pourrait constituer une bombe à retardement en l’absence de réglementations sérieuses.

BUSINESSMAG. Dans un tel contexte, un miracle économique est-il encore possible ?

Je suis de ceux qui ne croient pas aux miracles économiques. Tout le progrès accompli depuis l’Indépendance est le résultat du dur labeur et des sacrifices de toute la nation mauricienne dans son ensemble, y compris les gouvernements successifs et le secteur privé. C’est vrai aussi qu’on a réussi un bond économique remarquable entre 1983 et 87-88 sous le gouvernement MSM/PTR/PMSD, dirigé par SAJ.

Cessons de rêver et mettons-nous au travail sérieusement pour contrer les risques qui nous menacent et que je viens de mentionner.

BUSINESSMAG. Qu’attendez-vous du gouvernement ?

Le gouvernement doit démontrer bien plus de cohérence pour créer la confiance qui encouragerait le secteur privé à investir et créer des emplois productifs. Les principes de la bonne gouvernance et ceux de l’égalité des chances doivent primer sur toute autre considération pour encourager nos jeunes à rester au pays et contribuer au développement.

Les dirigeants du pays doivent prendre conscience que le Feel good factor qui existait en janvier 2015 a laissé la place au doute et à un certain découragement.

BUSINESSMAG. Le gouvernement a présenté les Smart cities comme une solution à nos problèmes actuels. Croyez-vous réellement dans leur viabilité ?

Le concept de Smart cities peut aider à créer de l’emploi temporaire dans le secteur de la construction. Une ville intelligente est susceptible de contribuer à une plus grande productivité, cela à travers l’élimination des dépenses non productives. Toutefois, elle doit être accompagnée d’un environnement économique qui pourrait attirer des investisseurs pour créer des emplois permanents. Cependant, il faut nous assurer que nous ne devenons pas des locataires dans notre propre pays.

BUSINESSMAG. Le gouvernement veut créer 100 000 emplois en quatre ans, soit 25 000 emplois par an, dont 8 000 dans la fonction publique et 17 000 dans le privé. Or, plusieurs observateurs estiment qu’il faut au contraire dégraisser la fonction publique. Que faut-il croire ?

Nous avons une population d’environ 1,3 million et le secteur public emploie quelque 80 000 personnes. Cela fait un emploi du secteur public pour 16 habitants. Ce ratio me paraît élevé comparé à Singapour, pays que nous voulons prendre pour modèle. L’important, à mon avis, n’est pas la quantité, mais surtout la qualité et là encore, le principe d’égalité des chances doit être à la base de tout processus de recrutement.

Il est à noter que toute augmentation du nombre d’emplois du secteur public est accompagnée d’une hausse des dépenses de l’État. Ainsi, cela a un impact direct sur notre déficit budgétaire.

Tags:

You Might also Like