Type to search

Parole d'experts Rencontre

La légalité de l’anatocisme des banques ?

Share
La légalité de l’anatocisme des banques ? | business-magazine.mu

Il est établi en France, que nul autre qu’un compte courant n’habiliterait une banque à capitaliser les intérêts dus à des intervalles moins d’une annuité, c’est-à-dire 12 mois. Le Code civil n’en admet lui-même la possibilité que dans les limites déterminées par l’article 1154  (Prof. Fernand Debrida). Il stipule que : « Les intérêts dus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou 10 par une demande judiciaire ou 20 par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière ».

Cette capitalisation d’intérêts s’appelle anatocisme ou nouveau produit. Ces  provisions sont d’ordre public et ne souffrent de dérogation aucune. Les intérêts échus ne peuvent produire intérêt qu’autant qu’ils sont dus pour une année entière, dans la crainte qu’une capitalisation à trop court terme n’entraîne un grossissement trop rapide de la créance. (J.G. Prêt à int., 155). Une somme due avec un intérêt de 5 % double en 14 ans et soixante-dix-sept jours. De plus, c’est le créancier qui fait le plus souvent la loi du contrat ; il peut imposer des clauses draconiennes que le débiteur accepte. Toute stipulation faite d’avance, qu’à défaut de paiement des intérêts qui se capitaliseront à chaque échéance, et portent eux-mêmes intérêt au même taux jusqu’à la libération, est nulle (Nîmes, 9 févr. 1827, J.G, Prêt à int., 139).

La première chambre civile de la cour de cassation a rappelé dans l’affaire  (4 décembre 1990, Bonnet c Banque Nuger, inédit) la mise à l’écart de principe de l’article 1154 du domaine des comptes courants, mais on prendra bien soin d’observer que seuls ces derniers, et non l’ensemble des comptes bancaires bénéficient de cette mesure dérogatoire. Par dérogation à l’article 1154 du Code civil, la capitalisation des  intérêts produits peut être effectuée à des intervalles inferieurs à un an en matière de compte de compte courant, (mais attention) en pratique, les capitalisations inférieures à trois mois sont rares (Civ. 21 juil. 1931, DP 1932.1.49, note Hamel). Cela exclurait tout compte de carte de crédit, compte opérant aux moyens de chèques ou de carte de débit qui sont d’usage  à Maurice.

Comment reconnaît-on un compte courant ? Il renferme des éléments intentionnels et des éléments matériels. Il y a une réciprocité et un enchevêtrement des remises. Trois caractéristiques sont considérées comme constitutives de ce modèle. Elles traduisent la double fonction de règlement et de garantie du compte courant. Elles se rapportent aux créances susceptibles d’entrer en compte, c’est-à-dire aux remises des parties : l’affectation générale, la réciprocité des remises et l’alternance des remises (Com. 29 fév. 1984, Bull.civ.IV, No. 84, Banque 1984). Il importe aussi que les parties n’aient pas exclu les effets attachés à l’entrée d’une créance en compte courant et spécialement l’effet novatoire, c’est-à-dire la fusion de la créance au sein du compte (Civ. 1ere, 15 mars 2005… Bull. Civ.1, no 137, D. 2005…). En présence d’une telle stipulation ou d’une telle pratique, les juges doivent requalifier un compte qui avait été qualifié compte courant.  N’est pas un compte courant celui qui comporte pour les parties la faculté d’exclure unilatéralement toute créance. Les intérêts courent de plein droit dans un compte courant et  se capitalisent à chaque arrêté de compte. La position débitrice d’un compte courant représente un crédit accordé par une des parties au compte de l’autre même si la périodicité des arrêtés est inférieure à un an. L’usage est de porter au crédit ou au débit du compte, selon le cas, le montant de l’intérêt. Une autre conséquence, particulièrement importante, de l’assimilation à un paiement de la remise en compte courant est l’extinction des sûretés dont était assortie la créance entrée en compte.

Cette règle ne peut pas être étendue à d’autres variétés de compte et, notamment, au compte de dépôt (Civ. 1ere,15 mars 2005, D. 2005. La pratique bancaire mauricienne a démontré avec les conventions d’ouverture de compte proposés par les banques, en caractères souvent non lisibles et dont les termes hors de  portée du client, conclurait à une méconnaissance et ignorance totale des principes juridiques énoncés plus haut. Cette situation qui perdure souhaiterait une intervention d’ordre réglementaire de  la Banque centrale, voire même du judiciaire si recours lui est fait pour  se prononcer.

On pourra conclure,  de par ce qui précède,  qu’il n’existe pas de compte courant à Maurice qui habiliterait une banque à capitaliser les intérêts dus à des intervalles moins d’une annuité,  dérogeant ainsi aux principes établis sous l’article 1154 du Code civil.  La question si on pouvait assimiler un compte de carte de crédit à un compte courant a été soulevée dans l’affaire Beerjeraz v/s MCB Ltd  (2013) SCJ 239, mais la cour d’appel ne l’avait pas entretenue faute de l’avoir au préalable débattue en cour inferieure.

Tags:

You Might also Like