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Pravind Jugnauth, Premier ministre : «Le changement, c’est moi !»

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Pravind Jugnauth

Le dernier Budget de l’alliance Lepep sera-t-il électoraliste ou populiste ?

Le Budget 2019-20 s’alignera sur les trois précédents exercices financiers. Ceux qui ont suivi mon parcours sauront reconnaître la philosophie qui m’inspire…

Permettez-moi de reformuler ma question. Est-ce-que le père Noël passera en juin cette année ?

J’étais en train de vous expliquer que le prochain Budget ne se départira pas des précédents. Depuis notre arrivée au pouvoir, en 2014, nous avons mis à exécution un vaste programme de modernisation infrastructurelle avec pour résultat que le pays s’est aujourd’hui transformé en un immense chantier. Les dépenses d’investissement se comptabilisent en milliards de roupies et l’impact se fait ressentir. La construction, qui était à l’agonie sous l’ancien régime, a repris du poil de la bête avec une croissance de 9,5 % en 2018.

Nous avons également accordé une attention particulière à l’humain. Le Mauricien a été et sera une nouvelle fois au cœur de notre stratégie de développement. Je veille personnellement à ce que les initiatives budgétaires fassent la différence dans la vie de nos concitoyens.

Quitte à le répéter, le salaire minimum a été un véritable bol d’air frais pour une large frange de nos compatriotes. On peut me critiquer, mais c’est une décision historique qui restera à jamais gravée dans les annales. En dépit des grands discours, aucun leader politique n’a eu le courage d’apporter son soutien aux plus vulnérables de notre société. Je l’ai fait et j’en suis très fier, car je suis certain que même mes adversaires les plus farouches reconnaissent en leur for intérieur ma détermination à apporter plus de justice sociale. Mais, contrairement à moi, ce n’est pas leur philosophie.

L’introduction de l’impôt négatif s’insère également dans cette même philosophie qui vise à améliorer la situation de ceux qui ont besoin d’un coup de pouce pour avancer dans la vie.

J’ai fait le choix d’œuvrer pour un meilleur partage de la richesse à Maurice et rien ne m’empêchera de poursuivre dans cette voie. À vous de me dire si cela fait de moi un père Noël.

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Donc, vous ne nous direz pas si le social prendra le dessus mais concéderez-vous que l’économie n’est pas au mieux de sa forme ?

L’économie et le social sont liés. Je peux déjà vous dire que je maintiendrai le cap de la lutte contre les inégalités car cela impacte favorablement notre croissance économique, comme le soulignent les experts en économie. J’en fais une affaire personnelle.

S’agissant de notre performance économique, nous sommes sur une trajectoire de reprise. Depuis notre accession au pouvoir, nous avons introduit des mesures d’ajustement et de justice fiscale pour rééquilibrer notre dynamique socio-économique et rendre la croissance économique plus efficiente, sans distorsion.

En plus de nos mesures sociales, je n’ai pas hésité à taxer plus fortement les plus riches avec la mise en place du solidarity levy. Cela a porté ses fruits et vous noterez que le Fonds monétaire international prévoit que la croissance sera de l’ordre de 3,9 % cette année, en hausse par rapport à l’année dernière. Cela contraste avec la croissance globale, qui devrait diminuer cette année.

Vous noterez tout de même que nous sommes loin des prévisions du début de mandat de ce gouvernement ?

Nous n’opérons pas dans un vacuum. Il ne faut pas faire abstraction du contexte international et de la grande volatilité provoquée par les décisions sur le plan de la géopolitique. Tout est aujourd’hui imbriqué. Le contexte international nous impose de nouveaux défis. C’est dans cette perspective qu’il faut voir la performance économique.

Comme je vous l’ai dit, à quoi sert cette croissance si sa répartition est inégale, si elle augmente le fossé entre les riches et les pauvres. Je suis déterminé non seulement à grossir le gâteau national, mais aussi et surtout à assurer un partage équitable.

Je constate que certains portent des verres de lecture spéciaux lorsqu’ils lisent les indicateurs économiques. Le taux de chômage qui est à son plus bas depuis une décennie en est un exemple. Je peux comprendre qu’on fasse de la politique, mais pas de la désinformation.

Lorsque le chômage baisse, on se livre aux calculs les plus délirants pour tenter d’expliquer qu’en réalité, le niveau n’a pas baissé mais si c’était l’inverse, on m’aurait fait porter le chapeau. La population n’est pas dupe. Pourquoi on ne parle plus de l’inflation ? À fin avril dernier, le taux d’inflation globale était de 1,2 %.

Je vous rappelle qu’une inflation forte impacte en premier les plus vulnérables et représente une taxe sur les pauvres. En 2008, le taux d’inflation était à son plus haut suite à la mise en œuvre d’une politique d’injustice sociale et fiscale de la part de Rama Sithanen. Vous imaginez que le taux avait carrément explosé pour atteindre 9,7 % à fin 2008.

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Qu’en est-il de la dette publique ? Diriez-vous que le FMI est également en train de faire de la politique ?

Nous ne ferons jamais des choix qui mettront à mal le tissu socio-économique du pays. Le gouvernement s’est engagé à apporter des solutions à de nombreux problèmes. La congestion routière constitue un axe de notre intervention. Or, les solutions nécessitent des investissements souvent massifs. Ce que nous n’avons pas nécessairement à portée de main.

Il nous faut donc emprunter. Nous empruntons pour moderniser l’infrastructure du pays et ce faisant, nous améliorons la compétitivité de notre île. Il ne faut pas, non plus, placer sous silence ce que nous avons hérité du précédent régime. Je vous invite à aller voir les conditions qui étaient applicables sur la dette à l’époque, afin de vous rendre compte à quel point elles étaient onéreuses.

Le FMI est tout à fait conscient de l’orientation que nous donnons à l’économie. Il souligne d’ailleurs dans son dernier rapport que la dette est soutenable.

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Mais le même rapport n’écarte pas, non plus, les chocs budgétaires. La délégation qui avait fait le déplacement à Maurice dans le cadre de l’article IV invite d’ailleurs le gouvernement à placer la dette sur une tendance baissière.

Moi, je n’emprunte pas pour financer les dépenses courantes mais pour apporter des solutions à des problèmes chroniques. De plus, la structure des échéances de l’endettement public est favorable avec une grande partie de la dette extérieure négociée à des taux concessionnels. Et là, j’aimerais faire ressortir que le FMI note également que nous avons quand même de l’espace fiscal, reflétant la force institutionnelle du pays et des marchés financiers intérieurs profonds. Je peux vous assurer que nous sommes pleinement conscients de nos responsabilités envers les prochaines générations.

Le fait d’être dispensé de payer Rs 4,5 milliards à Betamax à la veille du Budget vous offre certainement une marge de manœuvre sur la dette ?

Trois juges de la Cour suprême de notre pays sont venus donner raison au gouvernement d’avoir résilié le contrat abusif qui avait été alloué à Betamax. Dans leur jugement, les trois juges ont établi de manière claire et sans équivoque l’illégalité de ce contrat d’affrètement. Ils ont démontré qu’il était contre l’intérêt public et en violation des procédures établies dans la Procurement Act. Nous avons le devoir de nous assurer que tous les responsables répondent de leurs actes. Dire que ceux qui ont les mains souillées essayent de nous faire la leçon ! Pire, ils veulent se refaire une virginité politique en brandissant toutes sortes de promesses, les unes plus irresponsables que les autres. Ils n’ont aucune crédibilité !

Avec ce Budget, vous serez attendu également sur plusieurs fronts. Sous pression, le secteur d’exportation compte beaucoup sur un coup de pouce de l’État. En êtes-vous conscient ?

J’ai pris la peine d’écouter tous les partenaires pendant les consultations pré-budgétaires. Ces échanges avec les opérateurs économiques nous offrent une perspective de la situation dans les différents secteurs d’activités.

Ayant pris connaissance des appréhensions et des attentes, nous nous sommes mis au travail depuis plusieurs semaines de façon à améliorer le cadre opérationnel à travers l’exercice fiscal 2019-20. En même temps, je dois préciser qu’il ne sera pas évident de répondre à chacune des propositions faites mais nous nous attèlerons à trouver des réponses collectives aux préoccupations qui ont été soulevées.

Le Budget donnera-t-il le ton de la prochaine campagne électorale ?

Il ne faut surtout pas se précipiter. Nous préparons le Budget puis nous verrons pour la campagne électorale. Chaque chose en son temps.

La tenue d’une partielle figure-t-elle toujours au programme ?

Ce n’est pas moi qui ai programmé une partielle. C’est la Constitution du pays qui impose une élection partielle lorsqu’un membre de l’Assemblée nationale démissionne. Vous pouvez compter sur moi pour respecter la loi. Mais, comme je vous l’ai dit, la priorité du moment, c’est la présentation du Budget. N’empêche que le gouvernement arrive à la fin de son mandat et l’Opposition affûte ses armes. Quelles sont vos priorités ? Je continuerais à travailler jusqu’à la fin de ce mandat. Le pays et le peuple d’abord. C’est ma seule priorité !

En alliance ou seul comme un grand ?

Ce qui nous importe le plus pour l’heure, c’est de compléter notre mandat tout en continuant à œuvrer pour une croissance plus équilibrée. Personnellement, je ne suis pas pressé.

Pourtant, vous ne pourrez pas échapper à certaines échéances, comme sortir le décret pour la partielle ?

Qui vous dit que je cherche à m’échapper ? J’ai toujours abordé les échéances à chaque fois qu’elles se sont présentées.

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Certains évoquent une fragilisation de votre gouvernement en cette fin de règne. Quel est votre sentiment ?

Je ne vais pas dresser le bilan du gouvernement aujourd’hui, car nous aurons l’occasion d’en reparler en détail. Mais je peux vous dire que c’est un sentiment de grande fierté qui m’anime en pensant à nos réalisations. Pas plus tard que deux semaines de cela, nous avons réussi à faire voter une résolution à l’Assemblée générale de l’Onu pour sommer les Anglais de rétrocéder l’archipel des Chagos à la République de Maurice dans un délai de six mois. À une majorité écrasante, l’Onu a condamné les Britanniques pour occupation illégale de notre territoire…

Sur le plan politique, le mandat du gouvernement a tout de même été marqué par des scandales, avec plusieurs ministres poussés à la démission…

Chaque individu est responsable de ses actes. En tant que chef du gouvernement, j’ai pris les actions qu’il fallait quand il le fallait. Nos réalisations sont là pour en témoigner. Après tout, ce sont les résultats qui comptent et la rupture a déjà eu lieu

Vous parlez de rupture comme le leader du Parti travailliste, le Dr Navin Ramgoolam ?

En toute humilité, je vous répète que la rupture a déjà commencé, et ce n’est pas une chimère.

On peut constater la différence. Ma conviction est que l’économie doit être à visage humain. C’est ce qui me guide dans mon action. L’augmentation de la pension de vieillesse, le salaire minimum, l’impôt négatif, la baisse de la taxe à 10 % sur les revenus pour la classe moyenne, les études supérieures gratuites dans les institutions publiques et l’introduction d’une pension d’invalidité pour les enfants âgés de 14 ans ou moins sont des exemples concrets.

Nous devons bâtir une nation solidaire et non pas opposer des groupes et des catégories sociales. Cette solidarité nationale, nous sommes en train de la mettre en place à travers plusieurs mécanismes, et l’économie en est un levier important.

À travers mon action en tant que Premier ministre et ministre des Finances, je suis porteur d’un message très simple à l’attention de la population mauricienne : il y a une alternative à la philosophie économique qui a marqué la période d’avant 2014. C’est cette philosophie qui a été la principale cause des inégalités dans le pays. Nous sommes actuellement en train de corriger le tir. Donc, le changement, c’est moi.

Quel est le prix de cette philosophie dont vous dites être porteur ?

La paix sociale n’a pas de prix. Nous ne pouvons pas prendre le risque de créer un climat d’instabilité. Je veux que nous cheminions ensemble vers le progrès.

Le climat est un des enjeux de notre temps. Malheureusement, nous n’entendons pas suffisamment parler de la question. Pourquoi ?

Le gouvernement a mis en place plusieurs institutions pour l’aider dans sa réflexion sur diverses problématiques qui nous touchent directement. La lutte contre le changement climatique en fait partie. Plusieurs initiatives sont actuellement en chantier. Elles seront bientôt beaucoup plus visibles. Je peux vous dire que le climat est aussi mon cheval de bataille.

Vous revenez de la cérémonie d’investiture du Premier ministre indien, Narendra Modi…

C’est effectivement un grand honneur pour moi et pour le pays d’avoir été invité à assister à cette cérémonie. Cela témoigne de la considération de l’Inde pour la République de Maurice. Je peux vous dire que ma relation personnelle avec Narendra Modi s’est consolidée davantage, et elle rejaillira sur les relations bilatérales.

Rendez-vous en décembre pour les élections générales ?

Nous en reparlerons le moment venu.

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