Relations Maurice – Royaume-Uni : Le froid diplomatique menace-t-il les accords commerciaux ?

En tout cas, le prochain Premier ministre britannique aura cette tâche, lourde de conséquences, de prendre une décision qui impactera pendant de longues années le devenir des transactions commerciales du Royaume-Uni.

Entre-temps, entre Port-Louis et Londres, rien ne va plus. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a fait savoir qu’un voyage sera effectué sur les Chagos. La réponse du Foreign and Commonwealth Office ne s’est pas fait attendre. Sir Alan Duncan a déclaré en substance que toute visite non autorisée dans le British Indian Ocean Territory sera traitée avec le plus grand sérieux.

Faut-il s’attendre à d’éventuelles représailles de la part du Royaume-Uni sur le plan commercial ? La question mérite d’être posée d’autant plus qu’on parle là d’un partenaire commercial majeur. Il faut savoir qu’en 2018, les exportations mauriciennes vers le Royaume-Uni totalisaient Rs 7,6 milliards contre des importations de Rs 4,6 milliards de produits.

Le Chairman de Juristconsult Chambers, Marc Hein, se dit confiant que le bon sens va prévaloir. «Il est clair qu’il y a un froid entre Maurice et la Grande-Bretagne de par le litige sur les Chagos. Cela dit, notre pays a une longue tradition de relations commerciales et diplomatiques avec la Grande-Bretagne», commente-t-il. Il rappelle, par ailleurs, que Maurice est un membre actif du Commonwealth. De plus, dans l’éventualité du Brexit, Maurice est couvert par l’Economic Partnership Agreement (EPA) que les États de l’Eastern and Southern African (ESA) ont signé avec le Royaume-Uni pour assurer la continuité des transactions commerciales. Dans le contexte particulier dans lequel se retrouve le Royaume-Uni, Marc Hein affirme qu’«il sera aussi dans l’intérêt du gouvernement britannique, qui aura à traiter le Brexit, de mettre de côté les bagarres diplomatiques pour tisser de nouveaux accords commerciaux pour la Grande-Bretagne. Ce sera vital de faire primer les considérations économiques au-dessus des problèmes diplomatiques».

DÉTÉRIORATION DES RELATIONS

Pour sa part, Somduth Soborun, ancien ambassadeur de Maurice aux États-Unis et représentant permanent aux Nations unies, rappelle que le Royaume-Uni et Maurice entretiennent de bonnes relations depuis plus de 200 ans et s’accordent sur des notions fondatrices comme la démocratie, les droits de l’homme et la bonne gouvernance. Il considère que l’annulation in extremis de l’anniversaire de la Reine d’Angleterre signale une détérioration inopportune de ces relations. Somduth Soborun se pose la question : «S’il n’y a pas de traitement préférentiel, ce sera du ‘business as usual’ et les affaires ne seront pas affectées, mais si Maurice bénéficie de traités préférentiels, il faut avoir l’intérêt national à cœur et savoir bien peser le pour et le contre. Maurice doit impérativement adopter une approche holistique à l’égard du Royaume-Uni, maintenir des relations cordiales et se garder de se focaliser sur un seul élément de désaccord». Pour lui, l’issue des Chagos n’est qu’un des éléments de cette relation avec le Royaume-Uni. «Maurice a sollicité et obtenu des avis consultatifs très favorables de la part de l’ICJ (Cour internationale de Justice) et de l’assemblée générale des Nations unies. Toutefois, des avis consultatifs ne sont pas des décisions de Cour suprême», soutient-il. Et de conclure que Maurice doit gérer ce succès avec tact et maintenir l’intérêt national à long terme